mercredi 28 octobre 2015

Liminaire



1.   L’Organe est l’ennemi de toute forme de tristesse en littérature.  Car notre temps a la littérature triste, c’est un fait minable et évident : l’écrivain bande mou, l’écrivaine ne mouille plus.  Mais l’Organe, lui, se dresse et jute à tous vents.  La littérature ne doit pas être moins génitale que la maladie transmissible d’une lèvre à une autre.  (Car là où croît l’Organe, croît aussi ce qui fourre, et là où croît ce qui fourre, elle court, elle court, la maladie d’amour.)

2.    Léa, bellissime princesse de 3 ans, nous glisse à l’oreille : À deux heures, je vomis, et à deux heures et demie, ce sera la vérité. Disons que c’est assez proche de notre programme. Il s’agit de rendre tripes et boyaux à la gueule étonnée du vieux bec sec de notre cher monde des Lettres pour lui faire avouer les secrets dont il a horreur. À descendre vraiment dans le trognon de l’être parlant et écrivant, la vérité devient de plus en plus drôle, grotesque, débile – bref, ruisselante et resplendissante comme de la pisse sous le soleil. Vous verrez.

2.1   Lecteur, tu lis le mot «lecteur» et tu te crois aussitôt intégré à l’appel de fraternité qui devrait suivre mais qui ne vient pas (tiens, tiens).  Lecteur, ici, tu n’en auras jamais pour ton argent: cette publication est permanente et n’a pas de mise en plis (la pognes-tu?).  Tout est là, tout est dehors, tout est à terre, et si tu cherches la vérité à une demi-heure de la flaque de vomi prophétisée ci-haut, c’est que tu as déjà mis le pied dedans. (Dedans quoi déjà?  La vérité ou le renvoyou?  Telle est la question, nous y reviendrons.)  Chose certaine, la chronique culturelle du Devoir ne peut plus rien pour toi.  Passe à la proposition suivante au plus crisse.

3.   Là où ça sent la merde, ça sent l’être, répétait Artaud. Bien sûr, les paranoïaques ont toujours absolument raison. L’arrière-fond philosophique de notre cause est d’une simplicité inouïe : prendre en compte le Sein mit Arsch ( l’être-avec-un-cul) laissé au réduit des toilettes par Heidegger. On redonne à l’essence de l’existant son sexe et son trou de pet – et tout à coup se fend le voile de la métaphysique. Ô voir - de nos yeux vrais et voir- Jackie Derrida se masturber en parlant enfin hébreu, Adolph Heidegger se gratter la raie en riant! Comme nous nous licherons dans la Lichtung

3.1  Le penseur de l’être vient de lichter la proposition 3
3.1.1  Le penseur de l’être fixe rendez-vous à la jeune Hannah Arendt.
3.1.1.1  La jeune Hannah Arendt déculotte le penseur de l’être.
3.1.1.1.1  L’essence de son petit pénis n’a pas encore été pensée.
3.2  Le penseur de l’être se concentre et serre les dents.
3.2.1  La jeune Hannah Arendt suce le penseur de l’être.
3.2.1.1  Le penseur de l’être pète en jouissant.
3.2.1.1.1  (Husserl achève la Krisis pendant que sa femme lui glisse des sandwichs dégueux sous la porte.)

4.   Tout doit devenir public. Le secret doit être brisé. L’obscur doit entrer dans le jour et se faire jour. Ce qui ne peut se dire doit pourtant s’entendre. Tout ce qui est caché, c’est cela qui doit apparaître, et non pas dans l’anxiété d’une conscience coupable, mais dans l’insouciance d’une bouche heureuse. Tu as vraiment dit cela, Maurice Blanchot? Ces paroles rachètent tes accès de déprime post-nietzschéenne et tes écrits fachos de jeunesse.

4.1 --  Attendre, seulement attendre.
4.2 --  Ben là…  On va manquer Occupation Double…
4.3  -- L’oubli, l’acquiescement à l’oubli dans le souvenir qui n’oublie rien.
4.4 --  Tu me fais penser : j’ai oublié de rappeler Claudette!
4.5 --  J’ai donc parlé, et parlé en vain.  C’est le pire.
4.6 --  Ah ouain? Tu connais pas ma belle-sœur…


5.   Oui, la littérature est bel et bien morte. Mais il nous reste tout de même à la manger.


6.   It’s going to get worse, and worse, and worse, and worse, my friend. Run- or die. Or laugh and write with the death almighty in your eyes. Kreuzberg, Berlin, juin 2015, sur le mur d’un squat abandonné.


6.1   Par quoi il faut comprendre que l’Organe est l’anti-Renaud-Bray par excellence.  Tout ce qui de près ou de loin pourrait évoquer Janette Bertrand, Ricardo, les coups de cœur de tante Lucille  ou le jeune commis frais chié qui soupire à tout rompre en faisant semblant de chercher le titre que tu lui as demandé sur son ordi --  tout ce qui d’ici ou d’ailleurs prospère sous la baboune marchande de Blaise, l’Organe le déclare, ipso facto, positivement bien à chier.  L’être et le néon ne font pas cause commune.  Dionysos contre Marie-Louise Arseneault : nous a-t-on fucking bien compris?

7.   Qu’est-ce que l’Organe vous jettera à lire? Des contes sombres et rose comme des vulves, des logorrhées de psychanalyse sauvage, des images arrachées à la rue, des poèmes kidnappés, détournés, terrorisés, des chroniques mongoles, des vivisections de caniches, des plans pornos hermétiques, du miel de sauterelles écrasées (nous lirons dedans), des sexes d’ange, des dentiers qui claquent, des os cloués sur des chiens, des fatwas incompréhensibles, des théories de nuages, des reportages d’outre-tombe. Oui, nous serons purs et sans foi.


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