samedi 11 janvier 2020

Carnets de soumission (essai sur le Poème)


Fragments poinçonnés à même la peau de l'esclave.


(...)



Ma maîtresse est le Poème vivant dont je ne suis que le traducteur.

*


J'aime le mot *effroi* quand tu le soustrais au bavardage ambiant pour l'enfoncer dans mon cerveau.  

Ton rire qui présage de la rigueur administrée si je décline mon absence au futur inférieur.

Tu me seras bientôt plus intime qu'une âme au fond d'une autre.

*

Le coeur éclaté, je t'écris comme attablé à la terrasse de tous les hôtels d'Europe, et je retarde de trois supplices sur la programmation de ta beauté.

*

Je t'aime comme je t'écris, toute certitude suspendue, la merveille stationnaire de ton nom épelé sur le bord de mon chaos.

Maîtresse, je noircis d'une joie inqualifiable quand ta main obstrue les voies respiratoires du jour qui vient.

Me voici, foudroie-moi.

*

Bien que tu m'aies trouvé, je ne cesse pas pour autant de te chercher.  

La soumission n'est pas une variante de l'amour, c'est l'amour même, j'entends: le désir aggravé jusqu'à la nuit.

La dissymétrie est le sens du Poème, son infusion létale dans la chair du traducteur.

*

La soumission telle que je la conçois me semble ouvrir un espace de travail où il n'y a plus qu'une différence nominale entre la qualité et la quantité.

(Déesse, tu peux me multiplier par un et me singulariser tout comme tu peux me multiplier par zéro et me réduire à néant.)

*

La tête soulevée par le souffle de ton ventre, je prononce mes voeux de clarté (silence, amour, incandescence) dans le désordre de la révolution matinale.

*

Ma maîtresse est la gardienne de tous les possibles, elle seule peut craquer le code de ma jouissance.

(Je ne désire pas impunément son Poème: tout en moi est verrouillé en direction de son aurore et je ne jouis de l'âme qu'en me brisant à ses pieds.)

*

Mes lèvres faillibles te cherchent au nord de toute détresse concevable.

Ton nom: deux syllabes qui me calcinent comme une chair lancée dans un système d'éclairs rétractables et de cyclones coulissants.

Me voici, terrasse-moi.

*

Tu es la seule science possible au bout de ma parole mutilée, le seul théorème qui se passe de lumière.

Je t'appartiens, ce qui signifie que je ne peux pas t'approcher davantage sans disparaître.

(Si proche du soleil que mes doigts se déchirent en feuilletant les oiseaux.)

*

Je veux ta rage et ta clémence versées à parts égales dans mon cerveau.

Ma chair marquée au fer bleu de ta descente et ma prière qui passe à travers les flammes de ta messagerie.

(Tu existes si fort, tu es la fulguration même.)

*

Au bout de ma désolation, je n'entrevois plus rien que la thèse volcanique de ton existence.

*

Artisane de la nuit, tu files les étoiles et tu fais ramper les anges à la sortie d'Orion.

C'est ainsi que je t'aime -- le regard ailleurs quand tu règnes, que ton corps durcit de tous ses muscles au-dessus de moi et que mes os rendent le son d'un diamant broyé.

*

Disparaître ici est ce que j'ai à faire de mieux.


Me rompre une seule fois sous ton regard de reine avancée et ne plus jamais me recomposer.

*

Il n'y a pas de terre réservée à la réception de ma chute quand le désir me fragmente à proximité de ton Poème.

*

Ma vie est ce signet que tu insères distraitement entre les pages de ta férocité.

Me voici, détruis-moi.

*

Tu me rappelles à toi depuis la première illumination et tes roses sont le poème qui coule dans ma bouche.

*

Je ne peux pas prétendre connaître à fond la loi qui me dévore.  

Je sais seulement qu'il y a toi, ta possibilité, ton irruption dans la nuit de janvier et la précision promise à tous ces gestes qui font de toi l'absolue sujet du désir.

Je ne peux ni ne veux plus aller nulle part.

Je suis cet effondrement réglé par la voix qui me voue au Poème.








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