jeudi 19 mai 2016

Dressages. Carnets de dominance, 8






................... une fois déshabillé, je t'ai ordonné d'enfiler les bas nylons.  La pluie plaquait des feuilles noires aux fenêtres, et tu pleurais de joie au moment où Scission inséra l'escarpin sous l'élastique, tout juste au niveau de la ceinture: l'aiguille du talon pointait de façon ridicule à travers le tissu, mais le dispositif était irréprochable et la dureté de la scène exigeait que l'empeigne reçoive ton jus à l'instant de la jouissance.

J'ai dit: installe-toi.

La table était petite pour un homme de ta corpulence, mais le banc supportait ton poids. La miniaturisation extrême des assiettes et des ustensiles, l'immobilité abrutissante des poupées de porcelaine qui avaient été disposées tout autour de la table te brûlaient la tête, et tu adressais à toute chose le sourire hébété de celui que le néant retourne par une nuit de vent fort.

Alors je me suis penchée et j'ai dissimulé mon visage derrière la poupée brune, et j'ai dit en imitant la voix d'une petite vieille: Mais comtesse, vous êtes nue! Cela est inconvenant entre dames de bonne compagnie!  Ne bougez pas, bien chère, nous allons arranger cela tout de suite...

Tu as pudiquement refermé tes poings de tueur sur tes lèvres et tu as bafouillé: Ooooh, vous croyez?

Et tandis que Scission te vernissait les ongles d'orteil d'une laque rouge fuchsia, je dessinais de petites étoiles sur tes joues. La pointe du feutre grinçait au contact des poils de ta barbe, tu disais: Hiiii, ça chatouille, et tu te tortillais tellement sur la chaise que je devais en permanence réajuster le chapeau à plumes qui tenait à peine sur ton immense tête de motard jurassique.





Après avoir passé le boa de papier de soie autour de ton cou, Scission se pencha à son tour et prêta sa voix à la poupée rousse: Comtesse, vous allez bien reprendre un peu de thé?

Tu as dit: Volontiers, taaabaaarnaaaa, volontiers...

Tu rougissais, tes derniers concepts flambaient sous le coup de sang, et dès que je me mis à pisser dans la minuscule tasse en plastique, la table vibra comme sous la secousse d'un lointain tremblement de terre.  Et j'ai pensé: Il va tout démolir, il ne restera plus rien de nous après cette nuit.

Mais non, tu sirotais le thé à toutes petites touches, ta langue fissurée filait lumineusement à ras les courbes, et tu lapais en geignant les gouttelettes de pisse qui plombaient le fil de la soucoupe.

C'est alors que j'ai relevé ma robe de paysanne et que je me suis emparée de la poupée blonde en disant: Et maintenant, comtesse, que diriez-vous d'un morceau de ce gâteau Diabolo Coco que la duchesse de Bordelbourg a préparé tout spécialement pour vous...

Puis je me suis penchée au-dessus de la minuscule assiette qui trônait au milieu de la table basse, et j'ai chié un étron pyramidal de trois étages en tentant de reproduire aussi fidèlement que possible la spirale déflationniste d'un nuage de crème fouettée.

Et j'ai dit: La comtesse est servie.





Cette fois, c'était trop.  Tu t'es levé d'un bond, tu as retiré le chapeau à plumes, tu as extrait l'escarpin de la gaine des bas nylons et tu as dit: Je ne pourrai pas, désolé, je ne pourrai jamais...

Alors je t'ai ordonné de te pencher, et dès que tu t'es exécuté, Scission t'a enfoncé la tête de la poupée rousse dans le derrière.  J'ai vu ta queue titanesque raidir d'une traite, je l'ai vue s'ébrouer entre tes cuisses velues et je t'ai aussitôt ordonné de te relever en prenant bien soin de ne pas expulser la poupée de ton cul.

Tu as dit: Mais... mais JE VEUX bouffer ton caca, tu entends, je le veux, je le veux... mais je ne le PEUX PAS!

J'ai dit: La seule chose qui importe ici, Lady Bouboule, ce n'est pas ce que tu veux, mais ce que je veux, et tout ce que je veux, tu le peux a priori et de toute éternité, alors tu vas manger du gâteau de la duchesse de Bordelbourg, tu vas me vider cette assiette vite fait pendant que les soeurs Brontë vont s'occuper de ta queue et finaliser la gestion de ton lolo.

Tu avançais à petits pas au milieu de la pièce, tu venais à moi les jambes écartées avec une poupée de porcelaine coincée entre les fesses (on voyait ses petites mains se balancer sans vie entre tes cuisses).  Et tandis que Scission enfournait la cuillère emmerdée au fond de ta gueule suffocante, j'ai saisi la poupée blonde et la poupée brune, et j'ai improvisé le dialogue de clôture.

Poupée blonde: Oooh Emily, tu as déjà vu un si gros pissou?
Poupée brune: Jamais de ma vie, Charlotte!  Même Branwell n'en a pas un si gros...
Poupée blonde: Oooh Emily, il a l'air terriblement triste, ce gros pissou, tu ne trouves pas?
Poupée brune: Oui, et tu as vu la pustule bizarre sur sa couille gauche?  Ah il doit bien y avoir un moyen de le distraire un peu de sa mélancolie...  Tiens, j'ai une idée: invitons-le à danser!
Poupée blonde: Ouiiii, comme maman putain nous l'a montré!  
Poupée brune: Allons-y, toi à droite, moi à gauche, et dansons un fucking menuet en compagnie de Sir Grospissou.





Et tandis que Scission achevait de cimenter la poupée rousse au fond de ton cul, je disposais les soeurs Brontë de chaque côté de ce phallus épluché qui mendiait son épilepsie en se noircissant le col sur les lèvres plastifiées des poupées. Quatre petits bras, quatre petites jambes et deux petites têtes s'agitaient autour de ta queue, percutaient leurs articulations autour de tes couilles, s'assommaient mutuellement à la cime de ton gland.

Ton instabilité était grande, ta déchirure réclamait des plis plus profonds et des froissements d'une succession océanique, mais au bout de cinq minutes, la poupée brune fut recouverte d'une avalanche de foutre clairsemé de sang: seul son oeil droit émergeait, bleu, fixe et stupide, de la coulée.

Ton plaisir passé, tu as dit: Ok, les filles, c'était cool, mais vous racontez ça à personne, compris? Après quoi tu as grogné puis expulsé d'un seul pet la poupée qui te verrouillait le derrière. 


*     

Ce soir-là, blotties sous les couvertures, nous avons regardé La Grande Bellezza: c'était une douce dérive empreinte d'asymétrie calculée et ça prenait la nuit de loin comme une pub de parfum enivrée de sa répétition, entrecoupée ça et là de plans felliniens semi-absurdes avec, en prime, une sainte sinistre qui souffle le vide sur des flamands roses.

À un certain moment, le héros a déclaré que Flaubert songeait à écrire un roman sur le néant.

Alors j'ai éteint le téléviseur, j'ai replié les genoux et j'ai demandé à Scission de me lécher à fond en la prévenant que si elle arrêtait avant que je jouisse au Walhalla, j'allais me tuer le soir même.

Quand j'ai vu mon clitoris crépiter sur le bout de sa langue, j'ai soufflé dans ses cheveux et je me suis endormie.





mardi 10 mai 2016

Dressages. Carnets de dominance, 7




Que tu aies été curé autrefois, cela ne me troublait pas.  Je ne juge personne: le désir, une fois avoué, fait de tout homme un glissement égal à tout autre. Seulement je me méfie d'instinct des clients qui insistent pour faire le gros du travail et qui me satellisent autour de leur chute, me réduisent à un élément du décor. 

Tu insistais sur le fait que je n'aurais pas grand chose à faire, que c'est toi qui allais cumuler les voix et les rôles.  Tu disais: Je connais le monstre qui m'habite, je le connais depuis longtemps; ses consignes sont parfaitement claires, et même si leur enchaînement peut varier, je sais à quoi je serai conduit, je vois la fin qui m'attend. 

Ainsi je n'aurais qu'à improviser en fonction d'une séquence dont le code n'était connu que de toi seul et que tu refusais de me révéler avant la mise à feu de ta vieille carcasse.

Tu m'avais prévenu que cela pourrait être long.  Qu'importe, tu y avais mis le prix, j'allais y mettre le temps, et même s'il te fallait l'éternité pour accoucher de deux ou trois gouttelettes de sperme, j'allais t'attendre: je n'ai jamais été très physique avec les rares aînés qui se sont risqués jusqu'à moi depuis l'ouverture de ces Carnets.

Alors je me suis retirée dans la chambre et je me suis changée.





Je dansais depuis deux heures, j'étais en nage et les breloques moyen-orientales qui me cinglaient le ventre et les chevilles commençaient à strier la peau en profondeur.  De temps à autre, tu roulais sur le dos et tu me parlais du film de Zeffirelli, tu me disais à quel point tu avais été troublé, jadis, par la performance de Christopher Plummer dans le rôle du roi Hérode.  Que c'était à cause de lui, étrangement, que tu en étais venu à défroquer.

Et tout comme lui, tu murmurais: 
danse, Salomé, 
danse.

La tête enfouie dans une montagne de coussins multicolores, tu ne te touchais même pas, mais tu m'observais avec intensité, tu ne perdais aucun de mes mouvements, tu les consignais un à un comme si la jouissance devait t'arriver par les yeux.  De mon côté, j'arquais le dos, je me déhanchais à perte, je fouettais ma chevelure dans tous les sens, j'en balayais mes seins que j'avais fini par dénuder, car même si tes lèvres disaient «danse, Salomé, danse», tes yeux disaient «je veux ma tête entre tes cuisses, tes doigts dans mon cul et de la dynamite dans ton vagin».

Alors j'ai dégrafé le bustier piqueté de lunes et d'étoiles de pacotille, je l'ai laissé tomber et tu t'es aussitôt jeté dessus, tu t'es mis à le mordre et à le sucer: le tissu était tellement imbibé que je voyais la sueur couler aux commissures de tes lèvres.  Tu te désaltérais à l'eau stagnante de mes pores comme un homme brûlé par le soleil et qui découvre un point d'eau après avoir rampé dans le désert pendant des jours.

Oui, tu étais vieux et malhabile, et pourtant la violence de ton désir te magnifiait.  Je te trouvais à la fois touchant et dégueulasse.

Mais j'étais quand même claquée, j'en étais à me dire qu'il fallait revoir le script ou à tout le moins le peaufiner pour accélérer ton désastre quand soudain tu as timidement formulé le voeu de poser tes lèvres sur ma peau trempée.

Alors je me suis rapprochée et je t'ai demandé: Que veux-tu au juste? Tu as dit: N'avance pas davantage, ne bouge plus, je t'en prie, ma petite reine, ma fée sémitique, je t'en supplie...

Puis tu t'es dressé péniblement sur les genoux, tes mains tremblantes se sont posées sur ma croupe et tu t'es mis à me baiser le ventre jusqu'à ce que ta langue s'introduise dans mon nombril.




C'était une sensation étrange.  Tu te défonçais comme si tu avais léché ma chatte ou mon anus.  Tu forais ma dépression ombilicale avec une ardeur inédite, et plus ta langue plongeait au fond de la cicatrice, plus je sentais tes ongles s'enfoncer dans la chute de mes reins.  Oui, c'était étrange, mais ta langue, râpeuse comme celle d'un chat, ne me procurait aucun plaisir, ou plutôt mon plaisir ne passait pas le cap apollinien d'une sorte de tendresse toute maternelle à ton endroit, car ta dévotion était radicale, tu me léchais avec une rare intensité, imbu de cette ferveur mystique qu'on ne libère qu'en état d'adoration létale.

Mais quand j'ai vu que tu suffoquais et que je n'y étais pour rien, j'ai compris que tu étais en train de te tuer à contemplation perdue, et le goût du jeu m'est revenu.

Alors j'ai croisé les doigts derrière ta nuque, et j'ai pressé ta tête contre mon ventre, je l'ai pressée de plus en plus fort afin que ton souffle, déjà très court, se cherche en vain et que ton sang affleure à son absence en une multitude de palpitations sans avenir: je faisais tomber sur toi une nuit dont tu ne verrais le bout qu'en suivant 
le fil tranchant
de 
ma 
voix

(Si tu savais comme je regarde ailleurs quand je donne la mort, si tu voyais l'absence et la froideur qui s'empare de mes traits en ces moments-là.)

Je sentais les coups de ta queue contre mon genou.  Tu chauffais la mort de près et tes mains affolées battaient ma croupe quand je t'ai dit: ton Christ est un con qui ne parle qu'au figuré, c'est Nicodème qui a raison: tu veux LITTÉRALEMENT revenir dans le ventre de ta mère, c'est tout ce que tu veux, avoue.



   

Alors je t'ai relâché et tu t'es effondré dans les coussins.  Tu soufflais comme un asthmatique.  Le temps que tu puisses récupérer, je suis passée à la salle de bain: je devais faire disparaître les traînées de bave qui couraient sur mon ventre et les pigments de morve qui tachetaient mes cuisses.  Si tu avais été plus jeune, je t'aurais fait payer très cher cette profanation rétrogénétique, tu te serais mérité une avalanche de talons dans la figure, mais la curiosité l'emportait de justesse sur la rage, et je voulais savoir, oui, je voulais enrichir de quelques noirceurs supplémentaires le fonds de ma doctrine.

Quand je suis revenue au salon, à l'exception des bracelets de cheville dont les perles tintaient à chaque pas, j'étais nue.  Tu te tenais appuyé sur le coude, flageolant, la mine sombre, et tu as dit: Demande-moi... J'ai dit: Quoi?  Tu as dit: Tu es Salomé, je suis Hérode, tu as dansé comme une reine, j'ai embrassé ton tibidoo, alors tu peux maintenant me demander tout ce que tu veux.

Tu reprenais la scène du film de Zeffirelli, tu l'investissais avec sérieux, ton jeu était très crédible et ma posture en devenait d'autant plus délicate.  Il fallait contenir la débâcle, prévenir un effondrement sans éclat et donc aiguiller la suite des choses avec tact et célérité.

J'ai demandé: Tout
ce
que
je 
veux?

Tu soufflais misérablement, nous savions tous deux que tu ne pouvais plus revenir sur ta parole.  Alors j'ai dit: Très bien.  Je veux...  oui, je veux la... laaaa...

Tu n'en pouvais plus, tu te mordais les poignets, tu gémissais en martelant le sol avec ta tête.  Alors j'ai crié: JE VEUX LA QUEUE DE JEAN LE BAPTISTE.




Je m'attendais à quelques éclats de ta part, mais tu n'as pas bronché. Tu t'es relevé, bien calmement, puis tu t'es dépouillé de tes vêtements.  Après quoi, tu as commencé à te lacérer la poitrine des deux mains.  Tu te molestais méthodiquement, tu te griffais à fond, sans pitié, sans émoi. Tu disais: À travers le désert une voix crie, préparez le chemin de la déesse car celle qui vient derrière moi est plus forte que moi et je ne suis pas digne de lui retirer ses...  je ne suis pas digne... de poser mes lèvres sur...  de lécher ses talons aiguilles... de lui téter le tibidoo, vous comprenez? ...  Je vous en prie, madame, la situation est désespérée, faites quelque chose...

Pauvre vieux, tu étais au bout du rouleau et il fallait en finir.  Alors je t'ai pris par la main, je t'ai étendu confortablement sur les coussins. J'ai avisé la petite queue croupie dans la laine d'acier de tes poils pubiens.  Elle semblait dire: N'insiste pas, tu vois bien que je suis hors jeu, que c'est peine perdue et que tu ne pourras jamais rien tirer de moi...

Et pourtant, tu étais dur tout à l'heure: je t'ai bien senti raidir contre mes cuisses quand je te coupais le souffle.  Alors je me suis déplacée et je me suis accroupie au-dessus de toi en t'ordonnant d'ouvrir la bouche, et j'ai dit: Si tu bois de l'eau que je vais te donner, tu n'auras plus jamais soif.




Et je me suis soulagée infiniment: ma pisse était blonde, odorante et abondante, tu ne pouvais pas tenir le rythme d'absorption.  Tandis que tu étouffais sous la crue, ta queue s'est remise à durcir, et ce ne fut l'affaire que de quelques secondes avant que tu éjacules, pètes, rotes et chies, que tu exploses par tous les trous et jouisses dans tous les sens. 
   

***


J'ai peut-être eu tort de négliger les gens du troisième âge.  Les dominer n'offre aucun défi, c'est vrai, mais en revanche, on a l'esprit tranquille et on les venge bien du désert affectif auquel des familles de minables ont tôt fait de les confiner.  Et puis, c'est de l'argent facile.

J'en ai parlé à Scission qui n'a pas son pareil pour lever les vieux sur les terrasses et les balcons.  Dans son rôle de petite pute perdue, elle est inégalable. Je ne crois pas l'avoir convaincue, mais pour ma part, je suis confiante: avec une campagne publicitaire judicieusement ciblée et des jarretières bien ajustées, ce sera bientôt la révolution dans les hospices.