Que tu aies été curé autrefois, cela ne me troublait pas. Je ne juge personne: le désir, une fois avoué, fait de tout homme un glissement égal à tout autre. Seulement je me méfie d'instinct des clients qui insistent pour faire le gros du travail et qui me satellisent autour de leur chute, me réduisent à un élément du décor.
Tu insistais sur le fait que je n'aurais pas grand chose à faire, que c'est toi qui allais cumuler les voix et les rôles. Tu disais: Je connais le monstre qui m'habite, je le connais depuis longtemps; ses consignes sont parfaitement claires, et même si leur enchaînement peut varier, je sais à quoi je serai conduit, je vois la fin qui m'attend.
Ainsi je n'aurais qu'à improviser en fonction d'une séquence dont le code n'était connu que de toi seul et que tu refusais de me révéler avant la mise à feu de ta vieille carcasse.
Tu m'avais prévenu que cela pourrait être long. Qu'importe, tu y avais mis le prix, j'allais y mettre le temps, et même s'il te fallait l'éternité pour accoucher de deux ou trois gouttelettes de sperme, j'allais t'attendre: je n'ai jamais été très physique avec les rares aînés qui se sont risqués jusqu'à moi depuis l'ouverture de ces Carnets.
Alors je me suis retirée dans la chambre et je me suis changée.
Je dansais depuis deux heures, j'étais en nage et les breloques moyen-orientales qui me cinglaient le ventre et les chevilles commençaient à strier la peau en profondeur. De temps à autre, tu roulais sur le dos et tu me parlais du film de Zeffirelli, tu me disais à quel point tu avais été troublé, jadis, par la performance de Christopher Plummer dans le rôle du roi Hérode. Que c'était à cause de lui, étrangement, que tu en étais venu à défroquer.
Et tout comme lui, tu murmurais:
Et tout comme lui, tu murmurais:
danse, Salomé,
danse.
La tête enfouie dans une montagne de coussins multicolores, tu ne te touchais même pas, mais tu m'observais avec intensité, tu ne perdais aucun de mes mouvements, tu les consignais un à un comme si la jouissance devait t'arriver par les yeux. De mon côté, j'arquais le dos, je me déhanchais à perte, je fouettais ma chevelure dans tous les sens, j'en balayais mes seins que j'avais fini par dénuder, car même si tes lèvres disaient «danse, Salomé, danse», tes yeux disaient «je veux ma tête entre tes cuisses, tes doigts dans mon cul et de la dynamite dans ton vagin».
Alors j'ai dégrafé le bustier piqueté de lunes et d'étoiles de pacotille, je l'ai laissé tomber et tu t'es aussitôt jeté dessus, tu t'es mis à le mordre et à le sucer: le tissu était tellement imbibé que je voyais la sueur couler aux commissures de tes lèvres. Tu te désaltérais à l'eau stagnante de mes pores comme un homme brûlé par le soleil et qui découvre un point d'eau après avoir rampé dans le désert pendant des jours.
Oui, tu étais vieux et malhabile, et pourtant la violence de ton désir te magnifiait. Je te trouvais à la fois touchant et dégueulasse.
Alors j'ai dégrafé le bustier piqueté de lunes et d'étoiles de pacotille, je l'ai laissé tomber et tu t'es aussitôt jeté dessus, tu t'es mis à le mordre et à le sucer: le tissu était tellement imbibé que je voyais la sueur couler aux commissures de tes lèvres. Tu te désaltérais à l'eau stagnante de mes pores comme un homme brûlé par le soleil et qui découvre un point d'eau après avoir rampé dans le désert pendant des jours.
Oui, tu étais vieux et malhabile, et pourtant la violence de ton désir te magnifiait. Je te trouvais à la fois touchant et dégueulasse.
Mais j'étais quand même claquée, j'en étais à me dire qu'il fallait revoir le script ou à tout le moins le peaufiner pour accélérer ton désastre quand soudain tu as timidement formulé le voeu de poser tes lèvres sur ma peau trempée.
Alors je me suis rapprochée et je t'ai demandé: Que veux-tu au juste? Tu as dit: N'avance pas davantage, ne bouge plus, je t'en prie, ma petite reine, ma fée sémitique, je t'en supplie...
Puis tu t'es dressé péniblement sur les genoux, tes mains tremblantes se sont posées sur ma croupe et tu t'es mis à me baiser le ventre jusqu'à ce que ta langue s'introduise dans mon nombril.
C'était une sensation étrange. Tu te défonçais comme si tu avais léché ma chatte ou mon anus. Tu forais ma dépression ombilicale avec une ardeur inédite, et plus ta langue plongeait au fond de la cicatrice, plus je sentais tes ongles s'enfoncer dans la chute de mes reins. Oui, c'était étrange, mais ta langue, râpeuse comme celle d'un chat, ne me procurait aucun plaisir, ou plutôt mon plaisir ne passait pas le cap apollinien d'une sorte de tendresse toute maternelle à ton endroit, car ta dévotion était radicale, tu me léchais avec une rare intensité, imbu de cette ferveur mystique qu'on ne libère qu'en état d'adoration létale.
Mais quand j'ai vu que tu suffoquais et que je n'y étais pour rien, j'ai compris que tu étais en train de te tuer à contemplation perdue, et le goût du jeu m'est revenu.
Alors j'ai croisé les doigts derrière ta nuque, et j'ai pressé ta tête contre mon ventre, je l'ai pressée de plus en plus fort afin que ton souffle, déjà très court, se cherche en vain et que ton sang affleure à son absence en une multitude de palpitations sans avenir: je faisais tomber sur toi une nuit dont tu ne verrais le bout qu'en suivant
le fil tranchant
de
ma
voix
(Si tu savais comme je regarde ailleurs quand je donne la mort, si tu voyais l'absence et la froideur qui s'empare de mes traits en ces moments-là.)
Je sentais les coups de ta queue contre mon genou. Tu chauffais la mort de près et tes mains affolées battaient ma croupe quand je t'ai dit: ton Christ est un con qui ne parle qu'au figuré, c'est Nicodème qui a raison: tu veux LITTÉRALEMENT revenir dans le ventre de ta mère, c'est tout ce que tu veux, avoue.
Alors je t'ai relâché et tu t'es effondré dans les coussins. Tu soufflais comme un asthmatique. Le temps que tu puisses récupérer, je suis passée à la salle de bain: je devais faire disparaître les traînées de bave qui couraient sur mon ventre et les pigments de morve qui tachetaient mes cuisses. Si tu avais été plus jeune, je t'aurais fait payer très cher cette profanation rétrogénétique, tu te serais mérité une avalanche de talons dans la figure, mais la curiosité l'emportait de justesse sur la rage, et je voulais savoir, oui, je voulais enrichir de quelques noirceurs supplémentaires le fonds de ma doctrine.
Quand je suis revenue au salon, à l'exception des bracelets de cheville dont les perles tintaient à chaque pas, j'étais nue. Tu te tenais appuyé sur le coude, flageolant, la mine sombre, et tu as dit: Demande-moi... J'ai dit: Quoi? Tu as dit: Tu es Salomé, je suis Hérode, tu as dansé comme une reine, j'ai embrassé ton tibidoo, alors tu peux maintenant me demander tout ce que tu veux.
Tu reprenais la scène du film de Zeffirelli, tu l'investissais avec sérieux, ton jeu était très crédible et ma posture en devenait d'autant plus délicate. Il fallait contenir la débâcle, prévenir un effondrement sans éclat et donc aiguiller la suite des choses avec tact et célérité.
J'ai demandé: Tout
ce
que
je
veux?
Tu soufflais misérablement, nous savions tous deux que tu ne pouvais plus revenir sur ta parole. Alors j'ai dit: Très bien. Je veux... oui, je veux la... laaaa...
Tu n'en pouvais plus, tu te mordais les poignets, tu gémissais en martelant le sol avec ta tête. Alors j'ai crié: JE VEUX LA QUEUE DE JEAN LE BAPTISTE.
Alors je me suis rapprochée et je t'ai demandé: Que veux-tu au juste? Tu as dit: N'avance pas davantage, ne bouge plus, je t'en prie, ma petite reine, ma fée sémitique, je t'en supplie...
Puis tu t'es dressé péniblement sur les genoux, tes mains tremblantes se sont posées sur ma croupe et tu t'es mis à me baiser le ventre jusqu'à ce que ta langue s'introduise dans mon nombril.
C'était une sensation étrange. Tu te défonçais comme si tu avais léché ma chatte ou mon anus. Tu forais ma dépression ombilicale avec une ardeur inédite, et plus ta langue plongeait au fond de la cicatrice, plus je sentais tes ongles s'enfoncer dans la chute de mes reins. Oui, c'était étrange, mais ta langue, râpeuse comme celle d'un chat, ne me procurait aucun plaisir, ou plutôt mon plaisir ne passait pas le cap apollinien d'une sorte de tendresse toute maternelle à ton endroit, car ta dévotion était radicale, tu me léchais avec une rare intensité, imbu de cette ferveur mystique qu'on ne libère qu'en état d'adoration létale.
Mais quand j'ai vu que tu suffoquais et que je n'y étais pour rien, j'ai compris que tu étais en train de te tuer à contemplation perdue, et le goût du jeu m'est revenu.
Alors j'ai croisé les doigts derrière ta nuque, et j'ai pressé ta tête contre mon ventre, je l'ai pressée de plus en plus fort afin que ton souffle, déjà très court, se cherche en vain et que ton sang affleure à son absence en une multitude de palpitations sans avenir: je faisais tomber sur toi une nuit dont tu ne verrais le bout qu'en suivant
le fil tranchant
de
ma
voix
(Si tu savais comme je regarde ailleurs quand je donne la mort, si tu voyais l'absence et la froideur qui s'empare de mes traits en ces moments-là.)
Je sentais les coups de ta queue contre mon genou. Tu chauffais la mort de près et tes mains affolées battaient ma croupe quand je t'ai dit: ton Christ est un con qui ne parle qu'au figuré, c'est Nicodème qui a raison: tu veux LITTÉRALEMENT revenir dans le ventre de ta mère, c'est tout ce que tu veux, avoue.
Alors je t'ai relâché et tu t'es effondré dans les coussins. Tu soufflais comme un asthmatique. Le temps que tu puisses récupérer, je suis passée à la salle de bain: je devais faire disparaître les traînées de bave qui couraient sur mon ventre et les pigments de morve qui tachetaient mes cuisses. Si tu avais été plus jeune, je t'aurais fait payer très cher cette profanation rétrogénétique, tu te serais mérité une avalanche de talons dans la figure, mais la curiosité l'emportait de justesse sur la rage, et je voulais savoir, oui, je voulais enrichir de quelques noirceurs supplémentaires le fonds de ma doctrine.
Quand je suis revenue au salon, à l'exception des bracelets de cheville dont les perles tintaient à chaque pas, j'étais nue. Tu te tenais appuyé sur le coude, flageolant, la mine sombre, et tu as dit: Demande-moi... J'ai dit: Quoi? Tu as dit: Tu es Salomé, je suis Hérode, tu as dansé comme une reine, j'ai embrassé ton tibidoo, alors tu peux maintenant me demander tout ce que tu veux.
Tu reprenais la scène du film de Zeffirelli, tu l'investissais avec sérieux, ton jeu était très crédible et ma posture en devenait d'autant plus délicate. Il fallait contenir la débâcle, prévenir un effondrement sans éclat et donc aiguiller la suite des choses avec tact et célérité.
J'ai demandé: Tout
ce
que
je
veux?
Tu soufflais misérablement, nous savions tous deux que tu ne pouvais plus revenir sur ta parole. Alors j'ai dit: Très bien. Je veux... oui, je veux la... laaaa...
Tu n'en pouvais plus, tu te mordais les poignets, tu gémissais en martelant le sol avec ta tête. Alors j'ai crié: JE VEUX LA QUEUE DE JEAN LE BAPTISTE.
Je m'attendais à quelques éclats de ta part, mais tu n'as pas bronché. Tu t'es relevé, bien calmement, puis tu t'es dépouillé de tes vêtements. Après quoi, tu as commencé à te lacérer la poitrine des deux mains. Tu te molestais méthodiquement, tu te griffais à fond, sans pitié, sans émoi. Tu disais: À travers le désert une voix crie, préparez le chemin de la déesse car celle qui vient derrière moi est plus forte que moi et je ne suis pas digne de lui retirer ses... je ne suis pas digne... de poser mes lèvres sur... de lécher ses talons aiguilles... de lui téter le tibidoo, vous comprenez? ... Je vous en prie, madame, la situation est désespérée, faites quelque chose...
Pauvre vieux, tu étais au bout du rouleau et il fallait en finir. Alors je t'ai pris par la main, je t'ai étendu confortablement sur les coussins. J'ai avisé la petite queue croupie dans la laine d'acier de tes poils pubiens. Elle semblait dire: N'insiste pas, tu vois bien que je suis hors jeu, que c'est peine perdue et que tu ne pourras jamais rien tirer de moi...
Et pourtant, tu étais dur tout à l'heure: je t'ai bien senti raidir contre mes cuisses quand je te coupais le souffle. Alors je me suis déplacée et je me suis accroupie au-dessus de toi en t'ordonnant d'ouvrir la bouche, et j'ai dit: Si tu bois de l'eau que je vais te donner, tu n'auras plus jamais soif.
Et je me suis soulagée infiniment: ma pisse était blonde, odorante et abondante, tu ne pouvais pas tenir le rythme d'absorption. Tandis que tu étouffais sous la crue, ta queue s'est remise à durcir, et ce ne fut l'affaire que de quelques secondes avant que tu éjacules, pètes, rotes et chies, que tu exploses par tous les trous et jouisses dans tous les sens.
***
J'ai peut-être eu tort de négliger les gens du troisième âge. Les dominer n'offre aucun défi, c'est vrai, mais en revanche, on a l'esprit tranquille et on les venge bien du désert affectif auquel des familles de minables ont tôt fait de les confiner. Et puis, c'est de l'argent facile.
J'en ai parlé à Scission qui n'a pas son pareil pour lever les vieux sur les terrasses et les balcons. Dans son rôle de petite pute perdue, elle est inégalable. Je ne crois pas l'avoir convaincue, mais pour ma part, je suis confiante: avec une campagne publicitaire judicieusement ciblée et des jarretières bien ajustées, ce sera bientôt la révolution dans les hospices.







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