dimanche 27 décembre 2020

27 décembre (à cette fille)

 

Je t'écris de trop près, le vent mort et les touches électrifiées: si seulement je te léchais comme on lèche les filles perdues à la sortie du pont ou au retour des campagnes

tu es belle à en exclure tout lendemain
à forcer le requiem quand tu ordonnes la fission minérale de la nuit autour de tes cuisses
la fuite sucrée du plaisir
qui coule au fond de la gorge

(sais-tu qu'ils ont remorqué mon existence en décembre 76 (je te le jure) mais il n'y avait déjà plus personne pour faire tourner la bouteille entre les cousines pieuses et sales assises en cercle au salon)
 
je regarde tes photos filer sur le réseau je les adore sans rien penser et entre toutes ces réminiscences mortelles d'un temps qui n'est plus le mien j'avale ma langue remontant du sexe au nombril que je devine creux et noir et plissé au pourtour de la parole par des eaux crevées jadis au fond d'un taxi

je me suis arrangée de la démence muette des caresses qui échouent à proximité de ta descente:
des vents solaires que je retourne contre moi (mauvaise perdante)
doigtée en douceur jusqu'à l'écume glacée sous les ongles
et ratant cette sortie de poème qui s'achève dans le vague
comme une louve postée à vingt mètres des feux






samedi 11 janvier 2020

Carnets de soumission (essai sur le Poème)


Fragments poinçonnés à même la peau de l'esclave.


(...)



Ma maîtresse est le Poème vivant dont je ne suis que le traducteur.

*


J'aime le mot *effroi* quand tu le soustrais au bavardage ambiant pour l'enfoncer dans mon cerveau.  

Ton rire qui présage de la rigueur administrée si je décline mon absence au futur inférieur.

Tu me seras bientôt plus intime qu'une âme au fond d'une autre.

*

Le coeur éclaté, je t'écris comme attablé à la terrasse de tous les hôtels d'Europe, et je retarde de trois supplices sur la programmation de ta beauté.

*

Je t'aime comme je t'écris, toute certitude suspendue, la merveille stationnaire de ton nom épelé sur le bord de mon chaos.

Maîtresse, je noircis d'une joie inqualifiable quand ta main obstrue les voies respiratoires du jour qui vient.

Me voici, foudroie-moi.

*

Bien que tu m'aies trouvé, je ne cesse pas pour autant de te chercher.  

La soumission n'est pas une variante de l'amour, c'est l'amour même, j'entends: le désir aggravé jusqu'à la nuit.

La dissymétrie est le sens du Poème, son infusion létale dans la chair du traducteur.

*

La soumission telle que je la conçois me semble ouvrir un espace de travail où il n'y a plus qu'une différence nominale entre la qualité et la quantité.

(Déesse, tu peux me multiplier par un et me singulariser tout comme tu peux me multiplier par zéro et me réduire à néant.)

*

La tête soulevée par le souffle de ton ventre, je prononce mes voeux de clarté (silence, amour, incandescence) dans le désordre de la révolution matinale.

*

Ma maîtresse est la gardienne de tous les possibles, elle seule peut craquer le code de ma jouissance.

(Je ne désire pas impunément son Poème: tout en moi est verrouillé en direction de son aurore et je ne jouis de l'âme qu'en me brisant à ses pieds.)

*

Mes lèvres faillibles te cherchent au nord de toute détresse concevable.

Ton nom: deux syllabes qui me calcinent comme une chair lancée dans un système d'éclairs rétractables et de cyclones coulissants.

Me voici, terrasse-moi.

*

Tu es la seule science possible au bout de ma parole mutilée, le seul théorème qui se passe de lumière.

Je t'appartiens, ce qui signifie que je ne peux pas t'approcher davantage sans disparaître.

(Si proche du soleil que mes doigts se déchirent en feuilletant les oiseaux.)

*

Je veux ta rage et ta clémence versées à parts égales dans mon cerveau.

Ma chair marquée au fer bleu de ta descente et ma prière qui passe à travers les flammes de ta messagerie.

(Tu existes si fort, tu es la fulguration même.)

*

Au bout de ma désolation, je n'entrevois plus rien que la thèse volcanique de ton existence.

*

Artisane de la nuit, tu files les étoiles et tu fais ramper les anges à la sortie d'Orion.

C'est ainsi que je t'aime -- le regard ailleurs quand tu règnes, que ton corps durcit de tous ses muscles au-dessus de moi et que mes os rendent le son d'un diamant broyé.

*

Disparaître ici est ce que j'ai à faire de mieux.


Me rompre une seule fois sous ton regard de reine avancée et ne plus jamais me recomposer.

*

Il n'y a pas de terre réservée à la réception de ma chute quand le désir me fragmente à proximité de ton Poème.

*

Ma vie est ce signet que tu insères distraitement entre les pages de ta férocité.

Me voici, détruis-moi.

*

Tu me rappelles à toi depuis la première illumination et tes roses sont le poème qui coule dans ma bouche.

*

Je ne peux pas prétendre connaître à fond la loi qui me dévore.  

Je sais seulement qu'il y a toi, ta possibilité, ton irruption dans la nuit de janvier et la précision promise à tous ces gestes qui font de toi l'absolue sujet du désir.

Je ne peux ni ne veux plus aller nulle part.

Je suis cet effondrement réglé par la voix qui me voue au Poème.








vendredi 3 janvier 2020

Manuscrit trouvé dans une bouteille de Viagra


Extraits du compte Twitter d'un octogénaire trouvé sans vie dans son appartement à la suite d'une overdose de stimulants sexuels:

1-  Jadis, si je me souviens bien, ma vie n'était pas exactement un festin.  Je chiais dans le bac de recyclage des bobos.

2-  Le dernier degré du désespoir est atteint le jour où les voix dans ta tête se mettent à sonner comme une assemblée de copropriétaires.

3-  Quelqu'un peut me dire où je peux trouver des photos de Christine St-Pierre en bikini?

4- Ma belle-soeur (qui ressemble à une pitoune de bingo) a fait cuire de la levure de kombucha pendant douze heures.  On dirait des cubes de glaire.  Miam.

5-  Toi qui me trouves vulgaire avec un grand Vé parce que tu bandes ou mouilles à la Morale avec un grand Ème et que tu te saoules de Culture avec un grand Cul, sache que j'embrasse éperdument tes fouffes avec deux grand Èfes.

6- C'est pas drôle, souffrir de pertes cognitives.  Tiens, hier, j'ai failli liker un statut de la Chambre de commerce.  Le nombril de madame Paquette ressemble à un tortellini tombé à côté de la marmite.  Je retrouve plus les photos de madame Paquette sur Facebook.  Fuck.

7- Après le lavage, y a toujours des petits câlisses de tout-seul-bas...  Dix-neuf tout-seul-bas pis pas un qui matche avec son voisin...  Même mon bas de Noel est un tout-seul-bas, bouhouhou tabarnak...  (N'empêche que le pâté de viande de l'accueil Bonneau passe mieux qu'un burger McDo.)

8-  Je sais pas quel genre de produit chimique j'ai pu crisser dans la bol, mais pendant deux secondes, j'ai vu le blob de Ghostbusters refouler par le lavabo de la cuisine et j'ai été à un plant de pot de l'enfermer dans le Coleman de la belle-soeur.

9-  Est réel ce qu'on observe par le trou d'une serrure.  Est marde à peu près tout le reste.

10- Camus dit qu'il faut imaginer Sisyphe heureux.  À ce compte-là, aussi bien imaginer Marcel Proust en train de déchiffrer une facture de Vidéotron.

11-  Tu sais que tu es allé trop loin sur le Net quand tu tombes sur une femme à barbe en train d'allaiter un ouistiti unijambiste.

12-  Première tentative de edging avec une perceuse de finition de marque Jobmate.  Epic fail.

13-  Si vous rêviez d'un threesome avec Andrée Lachapelle et la mère de Mario Pelchat, well, meilleure chance la prochaine fois.

14-  Il suffit d'une heure passée dans un Costco (de préférence un vendredi soir) pour conclure que notre espèce est un petit bourgeon de l'évolution qui a crissement épuisé toutes ses possibilités d'existence.

15- Vrai qu'en vieillissant on stresse moins pour 56 niaiseries.  Mais on expie du cul, par contre.

16-  Bon, le pharmacien qui m'explique que les rabais du vendredi fou s'appliquent pas aux opioides.  Fuck this guy.  Au comptoir, madame Paquette me regarde comme si je venais de lui proposer un deal de coke.  Je sors du Jean Coutu avec onze calendriers de l'Avent pour ma fondue.

17-  Un matin de janvier 1949, le gros Bédard s'était crissé la langue sur un poteau.  Vision de sa mère en bigoudis sur le balcon, la bouilloire à la main et le tsous de bras bien velu.  Plus tard, le curé m'avait whamé parce que j'avais mangé Jésus deux fois dans la même messe.

18-  Je passe à la caisse de 12 articles maximum.  Le type derrière moi me fait remarquer que j'ai 14 articles.  Profil hipster écolo-raton avec son horreur de pain bio.  Je lui réponds à voix basse que c'est à son cul que je pensais quand j'ai baisé son père hier soir.

19-  Je feelerais pour écouter la version death metal de *Pour un flirt* de Michel Delpech: rendu à la passe des *lalalala* je me *lalalalerais* moi itou en repensant au sourire gâteau Vachon de Colette Provencher.

20-  Un pétard de 25 ans entre dans ma messagerie, me dit qu'elle cherche l'Amour et m'envoie une photo d'elle avec un lapin dans les bras en précisant que le lapin en question s'appelle Bonheur.  Seems legit.  (Je fais quoi?  Je lui envoie une photo de laitue romaine?)

21-  Quand tu meurs, c'est de deux choses l'une: ou bien tu vois un être de lumière au bout du tunnel, ou bien tu entends le *bip-bip-bip* d'un truck de vidanges qui recule.

22-  Va falloir que je perfectionne mon anglais.  Ça a l'air que je peux pas retontir dans la messagerie d'une escorte de l'Arizona et lui dire: You are so bioutifulle that I want to pogne ma graine, agraine and agraine.

23-  On dira ce qu'on voudra, mais l'époque où on attrapait plus ou moins le sida en dansant sur du Patrick Juvet était quand même plus drôle que notre époque où on te vend des saucisses en paquets de 10 et des pains hot-dog en paquets de 12.

24-  C'est pas tout de saliver sur une gag ball et d'évoluer avec un talon aiguille chauffant dans le trou de pet, encore faut-il réussir la recette d'éclaté de canneberges quand je vais me rendre à l'église pour assister à la terrifiante chorale de Noel de madame Paquette.

25-  Au IGA hier soir, c'était doux de voir une chorale entonner *Sainte Nuit* pendant qu'un préposé passait la moppe dans un étang de Caballero et que la gérante de plancher courait entre les caisses, les yeux à fleur de tête, avec sa coiffure en forme de gaufre Eggo.

26-  Apprendre que Jean Charest songe à revenir en politique, ça me fait le même effet qu'un chien qui pisse sur une flaque de vomisse gelée pour pouvoir la bouffer avant de la renvoyer encore.

27-  C'est Noel.  Bonne fête, Zezu.  Et désolé pour le boeuf de ta crèche, j'en avais besoin pour mon rôti.

28-  Quand la belle-soeur t'envoie fumer dehors le soir de son party, que t'es là tout seul sur son balcon, moyennement paqueté, à regarder d'un oeil vitreux les lumières qui s'échelonnent dans le lointain, il fait bon pisser sur le bonhomme de neige du voisin.

29-  Je me suis porté volontaire pour une expérience où on teste des poupées gonflables pour les vieux.  À date, je préfère le modèle Chesty Morgan aux autres.  Le modèle Ricardo est pas pire aussi, mais il bulle du nez quand on le vire à l'envers et qu'on le met en mode sexy crapet.

30-  L'amour, c'est de se savonner les prothèses sans jamais avoir à dire qu'on est constipé.






dimanche 17 novembre 2019

Fake



Tout est faux en moi la nuit se ment par le dedans, hors paradoxe, je dis bien: cette nuit d'ongles sales, d'adidas décrissés et de pharmacies ouvertes jusqu'à cinq heures.

Je constate: mes pensées sont des cristaux de kaléidoscope, la symétrie en moins.

Je n'ai qu'une cochonnerie de poème pour me soutenir jusqu'à la salle de bain, l'abréviation d'une boucle d'oreille derrière la vitre du taxi, et si je suis bien sage, peut-être le passage de la morte qui posera une langue historique sur la glace avant de foncer au miracle de la viande à venir.

La rue brille par son absence et il fait déjà noir là-bas -- quand je distribue les coupons bien au-delà du motard qui mouille ses mannequins au coin de la 16e avenue.

Dans ma tête couronnée de cognements, ta voix a le même passé que la branche qui se rompt sous le poids des ampoules, sans forêt proche pour aiguiller le nord qu'on avait promis aux mages électrifiés et aux vieilles filles chauffantes qui reviennent de l'usine avec le manifeste du parti sataniste.












mercredi 27 mars 2019

Antégrammes, 3



Je me reviens en empruntant tes derniers mots et je crève mes glandes au-dessus de ton visage, je me suspends comme un grand ciel incertain dont les oiseaux palpitent de finitude avant de disparaître.

*

J'aime que mes doigts s'engourdissent au fond de tes roses tandis que je lèche la repousse de cendre qui essaime de la cime de ton sexe jusqu'aux lueurs équatoriales de la pierre que j'ai coulée au creux de ton nombril.

*

Me voici aussi froide que l'écume qui noircit entre mes mots, je signe avec mes doigts trempés dans le jus de ciel.  À proprement parler, je ne jouis pas, je suis jouie. 

(Tu m'appartiens, ce qui signifie que tu t'écroules à l'autre bout de la terre et que je te lèche jusqu'à l'infection.)

*

Il aime cette comptine de mon pied dans sa bouche: *Un gros orteiiil, un moins gros orteiiiil, un moyen orteiiil, un petit orteiiil et un... uuun...*  Et tout ce que ses yeux démesurément agrandis semblent dire en cet instant, c'est: *existe! existe! existe!*

*

À 64 ans, ma psy est demeurée une très belle femme.  Elle porte les stigmates d'une gloire agrégée à de vénérables défaillances qui me font parfois la désirer.  Elle le sait.  (Sorcière, un jour, je ferai écumer ton cul sur le divan.)

*

Je rive la colonne de mon corps sur ta bouche, je largue mes dernières bontés et tu passes la nuit entière à chercher ta langue dans la pieuvre dépecée de mon sexe.

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Après la réincarnation de ta queue au fond de ma gorge et de mon cul, je te réduirai sans reste à ces quelques billets que je vais flamber dans les boutiques en échange d'un infinitif qui fond sur moi entre deux saignées de silence.

*

Résumé de ma nuit: le vieux porc encule la jeune pétasse qui me pénètre en se mordant les poignets.  (Plus tard, j'écris à mon amoureuse, je lui reviens comme d'un séisme qui passe sous le graphique, je lèche en riant le mascara qui a coulé jusque dans la cavité de mon nombril, puis je disparais.)

*

Sous-ministre: toi, ton souffle coupé, le pus que ta queue recrache à pulsation réduite.  (Si tu savais comme je regarde ailleurs quand je donne la mort, comme je révise les théorèmes de mon épilepsie tandis que ta tête disloquée morve de plaisir entre mes cuisses.)

*

Amoureuse d'une femme que je n'ai jamais rencontrée, je la lèche en rêve, je l'adore singulièrement et je mets tout de moi dans les télégrammes infernaux que je lui envoie quand je décloisonne les douze catégories de mon enfermement.

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Je lui appartiens si capitalement que sa langue est insérée comme une étoile permanente entre les feuillets de mon clitoris.

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Je ne confie de secret qu'à l'oreille que j'ai d'abord léchée.  (Si la captivité de mes seins barbouille ton cerveau, tu peux encore jouir à sec dans les flammes de ma messagerie, passer mes poèmes au fil de ta carte de crédit et souffler le verre de mon amour jusqu'à ce que la nuit décharge dans ta bouche.)

*

Exposée à des rafales de 80 km/h, je consens au viol des éléments.  Il m'arrive aussi de rabattre l'ego d'un esclave aussi furieusement que le capot d'une voiture, mais la mécanique intime de mes furies se neutralise d'elle-même à la vue de jarretelles cinglant le ventre d'une poupée de cendre.

*

Il n'y a plus que le crochet de ta chair pour freiner ma chute en ce froid matin de février.  Ne me laisse pas seule avec ces milliers de mots que je dois éteindre un à un avant d'avouer mortellement que je t'aime.








samedi 23 février 2019

Antégrammes, 2


Babelle est le nom de code de ma multitude internée depuis que j'ai vu la langue de Dieu mousser sur le clitoris du chaos.

*

La ville crève ses eaux et j'avorte de quelques aphorismes glacés qui n'ont pas plus d'avenir qu'un éclat de sperme sur l'aile de mon nez.

*

Ce que je cherche ici: une occasion de lubrifier vos visages filants et de sous-vivre à mes morsures.

*

Les lèvres maculées de confiture anale, je bavarde absolument jusqu'à ce que la nuit enfreigne la règle grammaticale de ton exil.

*

Ma descente empalée à ta voix que le sang dévore, tes abdominaux qui cèdent comme une pellicule de glace sous la doctrine de mes talons aiguilles.

*

Dominée de jour, dominante de nuit, parfois l'inverse, j'épuise le spectre qui va de la puissance à l'impouvoir.  Faute de rigueur scénique, j'ai depuis longtemps renoncé à tenir le système de mes lésions et à craquer le code de mes dénivellations.

*

Je ne suis jamais aussi cérébrale qu'à l'instant où tu égares ma singularité entre les cris de deux primates que l'on télescope scientifiquement dans l'évangile d'à côté.

*

A. m'ordonne d'initialiser le diamant liquide qui fuit entre ses cuisses.  (Je n'ai aucune pensée, je conceptualise à froid le vide qui me vient.  Néante et congédiée, je ne suis rien d'autre qu'une langue qui fait de l'ombre à l'étanchéité de son chagrin.)

*

Les poignets verrouillés, le sexe sinistré, la nuit est tombée si près de moi que je l'ai presque confondue avec la clef de sang qui ouvrait mon désir de te voir avaler un bouillon de poils pubiens.

*

L'index affolé des lèvres aux lèvres, j'espère la crevaison de ta queue et toutes mes roses vandalisées, fêlées de près comme une boussole que le nord n'atteint plus.

*

Je crache la nuit dans ta bouche.  Ta douleur m'appartient.  Je suis l'ouvrière des lettres qu'on détache et des lèvres qu'on éteint.