dimanche 21 février 2016

Dressages. Carnets de dominance, 4


Elle m'avait dit: Je vous en supplie.

Elle m'avait dit encore: Il me bat presque à chaque jour.

Puis elle m'avait montré les marques, les ecchymoses au bas des reins, la floraison des veines éclatées sur les épaules.  Elle m'avait montré tout ça avant de retirer ses lunettes fumées et de me laisser voir son oeil gauche, et c'est là que j'ai senti monter en moi un Oui dont la noirceur était si dense que sur le coup je l'ai presque confondu avec un Non.  Mais c'était Oui.

Et je lui ai dit Oui, puis j'ai fixé mes conditions: elle devrait se trouver là au moment où je te ferais passer dans mon salon.

Elle a dit: Mais ce que vous me demandez est inconcevable.  Je lui ai répondu qu'elle n'aurait pas à se manifester avant que tu sois ligoté sur la table des éléments, mais qu'elle devrait être là dans la chambre d'à côté.  Être là et fermer sa gueule jusqu'à ce que je lui donne le signal.

Quand j'ai vu la flamme vaciller dans son regard, je me suis rapprochée, j'ai baisé délicatement chacune de ses plaies, je l'ai approuvée des lèvres et de la langue par tout son corps meurtri et j'ai senti son petit sexe frémissant couler entre mes doigts.

Le pacte était scellé.  J'allais transformer cette gourde coincée en prédatrice de haut calibre, je lui enseignerais les cinq premiers théorèmes de la souveraineté et j'allais l'entendre hurler comme une bacchante quand elle se jetterait sur tes débris.




Elle m'avait donné l'adresse du trou à rats où tu te tenais le plus souvent.  Tu n'étais pas très difficile à repérer avec ta veste de motard et tes tatous de troglodyte.  Dès que j'ai fait irruption dans le bar, le silence est venu, il est tombé de très haut et j'ai tout de suite senti la vibration silencieuse des queues qui durcissaient sous les tables.  Je me suis installée au zinc, j'ai pris possession de ton champ visuel, j'ai rapatrié d'un seul coup la totalité de tes angles morts et j'ai saturé ton existence 
de la seule et unique possibilité 
qui te restait: 
me baiser 
au 
plus 
vite.  

Ce n'était pas très compliqué.  Ça ne l'a jamais été de toute façon, mais là, j'avoue que c'en était presque ridicule.  Je n'avais pas fini de compter jusqu'à dix que tu étais déjà assis à mes côtés et que je sentais tes ongles crasseux s'enfoncer dans la chair de mes cuisses.  À quoi bon te reprocher de ne pas avoir pris la peine de m'offrir un verre avant de me caresser?  Dans ta tête de batracien, la séquence du désir tournoyait sans complexe autour des mêmes éclats possessifs: ma bite, ta chatte, ma bite, ton cul, ma bite, ta bouche,
ma bite
ma bite
mon poing
ta gueule.

Ce fut l'affaire de quelques minutes.  Je ne sais même plus si tu as pris le temps de payer ces consommations auxquelles nous avions à peine touché.  Je me rappelle de tes dents douteuses, de ta main refermée autour de mon poignet alors que tu m'entraînais à l'extérieur du bar, de ta voix étrangement fluette pour un crétin de ta corpulence. Je me rappelle de la course en taxi, des escaliers que tu montais derrière moi en m'empoignant les fesses à pleines mains...

Mais je ne sais pas si tu te rappelles toi-même de tous ces détails à présent.

À vrai dire, je doute que tu te rappelles de quoi que ce soit.




Tu as calé ton verre d'un seul trait puis tu as dit: Chérie, je suis pas vraiment du genre qu'on attache.

Je t'ai répondu: Tu as le droit d'avoir peur.  Il n'y a pas de honte à reconnaître que tu as peur puisque c'est la première f...

Puis tu m'as saisie à la gorge.  Tout se passait à peu près comme je l'avais prévu. J'ai fermé les yeux pour que tu n'aies aucun doute, je t'ai laissé t'enivrer de l'illusion que tu étais le maître, alors tu m'as saisie à la gorge et tu m'as plaquée contre le mur.  Je mouillais déjà à l'idée de te dresser à petits feux, de te dépecer en suivant le pointillé des miracles que je retenais, je gémissais en pensant à tout cela, et toi qui croyais que je jouissais 
simplement
sous le poids
de 
ta 
brutalité.  

Je n'avais pas peur.  Tu avais calé le verre de scotch d'un seul trait, le poison était déjà en train de te dévorer sans que tu t'en doutes.  En fait, mon seul souci au moment où ta main se refermait autour de mon cou et que tu me rassurais à demi-mots sur ta virilité indéfectible, mon seul motif d'inquiétude, c'était sa présence dans la pièce d'à côté.  Je l'entendais claquer des dents, j'étais persuadée qu'elle se pissait dessus au seul son de ta voix, et je priais pour qu'elle tienne bon au moins jusqu'au moment où je te ligoterais.

Tu as fini par te calmer.  Tu as dit: J'ai pas peur.  J'ai peur de rien. Me dis plus jamais que j'ai peur, compris, chérie?

J'ai baissé les yeux, j'ai souri douloureusement dans le vague en massant mon cou.  Oui, j'avais compris, bien entendu, tu n'aurais jamais peur de rien, oui, tu étais le maître et moi je
n'étais / ne serais 
jamais
que
ta 
petite
chérie.

Ta bite, ma chatte, ton poing, ma gueule.  Et l'autre qui claquait des dents dans la pièce d'à côté.  Encore un peu et elle allait tout faire rater.

Tu as commencé à tourner autour de la table des éléments, tu as examiné les sangles de cuir clouté en te grattant le cul, et tu as dit: Bon, je fais quoi, là? J'ai répondu: Tu te couches.  Tu te couches et tu me laisses faire.





J'avais bien dosé l'anesthésiant: je le voyais à la façon dont tes paupières tombaient, cette lassitude légère dans tes déplacements, ta voix qui mouillait à marée basse autour des mots, cette nuit américaine qui teintait progressivement tes concepts et qui te préparait à entendre mon chant, à recevoir ma puissance
et à mourir 
sous 
ma 
loi.   

Ma loi, ta gueule.

Alors tu t'es déshabillé, tu t'es couché sur le dos et je t'ai sanglé aux quatre coins de la table.  J'ai dit: Ça ferait une belle photo.  Tu as dit: Me niaise pas, chérie, je peux me détacher comme de rien si je veux. J'ai dit:  Je sais, je disais ça pour rire, détends-toi.

J'ai dit: Tu as une très belle queue.  Tu as dit: Je suis pas le genre qu'on attache.  Tu perds ton temps, ça marchera jamais ton truc.  J'ai dit: Fais-moi confiance.

Je ne sais pas si tu l'as remarqué, mais dès ce moment, je ne souriais déjà plus. Je conjuguais ta disparition au futur antérieur.  Pour plus de sûreté, j'ai passé une sangle autour de ton cou, je l'ai serrée juste assez pour voir tes dents se crocheter sous la pression.

Puis je suis passée dans la chambre d'à côté.  Ma petite élève n'en menait pas large.  Elle était assise sur le lit: les jambes flageolantes, elle se rongeait les ongles en fixant le plafond.  Alors je me suis penchée sur elle, j'ai mordu ses lèvres pâles et je lui ai sucé la langue jusqu'à ce que ses tremblement s'apaisent, après quoi j'ai ouvert le tiroir de la commode en lui montrant les outils.  Je lui ai dit: Tu prends ce que tu veux, tu y vas comme et quand tu veux, il est tout à toi à présent.  Elle a sangloté, puis elle a dit: Donne-moi encore quelques minutes, juste quelques minutes.





   
Quand je suis revenue dans le salon, tu n'étais pas de très bonne humeur, je te voyais bander les muscles sous les sangles, tes veines saillaient à la jonction du cuir et de la chair, et tu suais comme le porc aggravé que tu étais et que tu serais de toute éternité. Quand je me suis mise à verser la chose sur ta queue, tu as dit: C'est du miel? J'ai répondu: Non c'est
de 
l'
huile.  

Puis je t'ai sucé, j'ai pris ta petite queue corrompue dans ma bouche et j'ai multiplié mes lèvres autour de ton érection naissante en pressant le mouvement de ma langue sur ton frein, je t'ai branlé à deux mains, je t'ai secoué à dix doigts en soufflant ma salive par le trou de ton urètre.  L'huile ruisselait entre mes phalanges tandis que le jour faiblissait à la fenêtre et que ton gland gonflé crevait de solitude comme un stylite au sommet de son tas de merde.  Et je t'ai caressé de la sorte, je t'ai recadré de toute ma science jusqu'à ce que ta bite soit plus ou moins présentable.

Puis j'ai ouvert le briquet et j'ai tout allumé.  Quand la flamme a monté et que les cendres de tes poils ont commencé à voleter tout autour de ta queue incendiée, j'avais l'impression que tu avalais un cri qui n'était plus tout à fait le tien.  À cet instant, n'importe qui aurait pu confondre le son de ta voix avec le meuglement d'une vache dont on aurait coincé les pis dans le tuyau d'un aspirateur industriel. 

C'est à ce moment qu'elle est sortie de la chambre en agitant le petit marteau. Quand tes yeux hallucinés se sont posés sur elle, tu as donné un coup de rein et la table s'est mise à pencher sur le côté droit. Même si elle ne te servait à rien, ta force demeurait impressionnante.  

Je lui ai crié: Ne le frappe pas tout de suite.

Je ne crois pas qu'elle en aurait été capable de toute façon, elle n'était pas encore prête.  Il lui fallait d'abord bien te regarder, n'en pas revenir, coordonner les pulsations de sa haine et de sa stupeur, puis conclure par l'éclair cette danse de la pluie qu'elle exécutait maladroitement autour de ta gueule.

Le feu déjà faiblissait, je devais faire vite.  Alors je suis montée sur la table, j'ai écarté mes grandes lèvres et je me suis abattue sur ta queue enflammée. Puis je lui crié: Maintenant, vas-y, frappe.  Et à chaque fois qu'elle abattait le marteau sur tes dents, ta queue cognait à l'unisson entre mes roses, et ton sperme calciné
refoulait
le feu
au
fond 
de
moi.




J'avais fait une disciple, elle m'était redevable.  Je lui ai dit: choisis ton nom. Elle a réfléchi quelques instants en ravalant ses larmes et en jouant avec ses cheveux, puis elle a dit: Scission, je veux m'appeler Scission. Alors je l'ai ramenée dans la chambre en abandonnant ton cadavre à ses dernières secousses.  Je l'ai couchée sur le lit, je lui ai retiré son slip, je l'ai laissé pleurer sa vie, son âme, sa misère innommable -- qu'en avais-je à foutre? -- et je l'ai léchée toute la nuit durant.





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