mardi 14 août 2018

Le cabinet, 17.3 (Où le chien ne fait que passer)


Isabelle épongeait avec délicatesse le micropénis de Youri.  Il lui avait fallu une bonne dizaine de minutes pour démêler la petite pine flapie des poils de poche qui essaimaient au pourtour des couilles en une poussière d'étoile aussi fine et duveteuse que des cheveux de bébé.

--  Youri est joyeux.  Youri a fait le bon jouizu.  Mais maintenant, Youri pue du bat comme un militant de Greenpeace sur le CA d'Hydro-Québec.
--  Mon doux chéri, je te proposerais bien de passer à la douche, mais je crains que le gros ne soit encore coincé sur la bol.
--  Ha! Youri pense: le gros est un homme fini.  Ha! Youri pense aussi:  le temps est venu de tasser le gros dans la voie d'accotement et de revamper le parti dans le sens de la Lumière.
--  Quoi?  À un mois des élections??

Et tandis qu'Isabelle supputait les possibilités et revoyait en accéléré les faits saillants de la confrontation Fischer/Spassky lors du championnat mondial d'échecs de 1972, Milzola, dit le chien du voisin, éprouvait la pulsion obscure de rentrer chez lui après avoir renvoyé dans la roseraie.

(Youri touchait au but.  Après avoir passé une enfance dégueulasse dans les Laurentides, après avoir encaissé une multitude de bines sur l'épaule, gracieuseté des troglodytes qui déboulaient des montagnes pour se lancer le frisbee sur la plage municipale de Sainte-Agathe-des-Monts et spinner dans les chemins de terre du lac Pembina à bord de leurs 3 roues en chantant *Juste une autre brique dans le solage*, après avoir vu son père, tout frais sorti de prison, s'étouffer dans sa poutine extra sauce et éternuer son partiel entre les tetons fluorescents de Marina, danseuse unijambiste à La Cuillère à Pot, après avoir connu l'infamie de se retrouver seul et sans popcorn dans la salle de cinéma de Saint-Donat pour assister à l'unique représentation de La vie est belle trois ans après sa sortie en Europe, enfin -- enfin -- Youri touchait au but.  La lumière était venue à lui un soir de mars 2001 alors que sa mère pluchait les patates en lisant l'horoscope à voix haute.  Oui, la Lumière avait coulé de l'écran du téléviseur en un flux ininterrompu de chiffres et d'indicateurs économiques, et la Déesse lui avait parlé dans le dedans de sa tête: *Tu ne t'appelleras plus Marco Charette. Dorénavant, tu t'appelleras Youri, comme le Gagarine qui a poulet carbonisé dans son Mig-15, et de même que le cosmonaute russe fut le premier homme à voyager dans l'espace, de même, toi, tu ne voyageras nulle part, mais resteras planté là pour toujours à te pénétrer de mes paroles.  Sans joke, tu seras le cosmonaute de l'économie de marché, mon boytoy en quelque sorte; je t'enseignerai des vérités amères qui ne sont pas faites pour les toutounes macrameuses de Québec Solidaire, et quand j'en aurai fini avec toi, que j'aurai consumé ta capsule existentielle, que tu te seras parfaitement confondu à la Lumière, tu ne trouveras plus en toi la moindre trace de compassion pour ces saletés de pauvres qui font la file au kiosque Loto-Québec de la Place Bourassa.  En toi, il n'y aura plus ni amour, ni patience, ni tendresse, ni clinique sans rendez-vous.  Il n'y aura plus que Youri, et non loin de Youri, une bourgeoise qui suinte et un chien qui vomit.*)

(...)

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