dimanche 12 août 2018

Le cabinet (feuilleton politique, 17.1) Spécial François Legault


Planté sur la bol depuis vingt minutes, son IPad en équilibre instable sur les genoux, François Legault ne trouvait rien à dire et encore moins à penser quand il prit connaissance des plus récents sondages indiquant une confortable avance de son parti dans les intentions de vote de l'électorat.  Si la pénible remontée des Libéraux pendant la saison estivale avait été un motif d'inquiétude, les derniers chiffres ne laissaient planer aucun doute: la CAQ reprenait du poil de la bête, et sauf impair majeur au cours des prochaines semaines, François était assuré de devenir le prochain premier ministre du Québec.

Coincée à mi-chemin entre son anus et le fond de la bol, la crotte avait une densité de pierre ponce, et François désespérait de la faire passer.  La situation n'était pas nouvelle.  Ses problèmes chroniques de constipation s'étaient même intensifiés depuis le début de la campagne, et tous les moyens classiques qu'il avait employés jusqu'ici -- lait de magnésium, jus de pruneau, suppositoires de force M7 extra-flatulentiels -- n'avaient servi à rien, si ce n'est à transformer son trou de pet en irruption volcanique inversée.  En fait, il n'y avait qu'une chose, et une seule, qui s'était révélée de quelque efficacité dans la situation...

--  Nisabeeeelle, Nisabeeeeeelle...

François ânonnait le nom de son épouse depuis la porte entrouverte de la salle de bain.  Le fait qu'elle le méprisât ouvertement, surtout depuis la déconfiture de la CAQ lors des élections du printemps 2014, n'avait introduit aucun éclaircissement notable dans la conception que François se faisait du monde et de lui-même.  En d'autres termes, il demeurait ontologiquement aussi crétin qu'il l'avait toujours été.  Qu'il ait pu, avec aussi peu de moyens, se hisser à la tête d'une formation politique telle que la CAQ, cela ne s'expliquait qu'en vertu de ce flair socio-affectif qu'il avait affûté au cours des années, et qui lui avait permis de nouer avec sa base militante des liens fondés sur des signifiants simples, permutables selon les circonstances et dont les combinaisons sémantiques gravitaient invariablement autour de l'épithète *vrai*: vrai monde, vrais enjeux, vraies affaires, etc.

--  Nisabeeeeelle... 
--  Quoi, calvaire?
--  Faut...  faut tu mettes la toune...  z'y arriverai pas sinon...

Dans la chambre à coucher attenante à la salle de bains, Isabelle enfilait des bas griffés de sa propre collection.  Voilà bien une heure qu'elle se matait le cul dans la psyché, indécise quant à la couleur des bas qui mettaient le mieux en valeur la chute des reins et la puissance des mollets.  Et l'autre qui ne comprenait rien à rien et qui persistait à requérir sa présence même lorsqu'il...

--  NIIISAAABEEEELLE!
--  Pounet coco, tu as le IPad avec toi, tu sais comment faire...  Tu n'as qu'à te loguer sur YouTube et te servir du moteur de recherche pour trouver la chanson...
--  Mais...  mais...  sur NouTube...  ze vois zuste des vidéyos de madames tunues...
--  J'ai dit: le moteur de recherche, pas l'historique de recherche.
--  Ostitabanak, ze touve pas la musique de Ocky Baboua!

Comme elle s'en voulait de lui avoir dit un jour qu'il était son Rocky, et elle, son Adrian...  Elle pénétra dans la salle de bain en faisant claquer ses talons, lui arracha le IPad des mains et le brancha sur le vidéo laxatif qu'il réclamait, celui où on voit Sylvester Stallone gravir les marches de l'hôtel de ville sur la musique de Gonna Fly Now.

--  Bon, mon pounet est content, là?
--  Meeciii...  Ta-ta-ta-tatata-tatataaaaa...  Egad, Nisabelle, c'est Ocky Baboua quand y monte les nescaliers!

L'odeur était positivement écoeurante.  Elle courut dans la chambre, fit claquer la porte derrière elle et se versa aussitôt un verre de scotch qu'elle avala d'une traite.  Elle était à bout.  Et puis Rocky pouvait crever dans les chiottes.  Au fond, c'est bien plus à Mister T qu'elle pensait quand elle enfonçait ses doigts de pianiste dans sa petite noune compliquée en forme d'escargot.  

Elle en était encore à se dandiner devant la psychè, à demi-nue, quand on sonna à la porte.  Elle enfila sa robe de chambre à toute vitesse.  Plus le temps de me raser le dessus des orteils, pensa-t-elle, alors qu'elle se ruait dans les escaliers et qu'elle sentait la pointe de ses seins se raidir sous le tissu de la nuisette.  Elle eut tout juste le temps d'ouvrir la porte que le petit Chassin se jetait sur elle.

--  Youri est laid. Youri est intelligent.  Youri a son diplôme en sciences économiques.  Youri aime ça les cougars avec des tetons qui font tchouip-tchouip quand on pèse dessus...
--  Petite ordure, je le sais trop bien...  l'autre débile a en encore pour une heure à pondre sa crotte...  on a tout notre temps... alors ligote-moi et lis-moi des passages du Manifeste pour un Québec lucide...

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(À suivre)

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