jeudi 7 janvier 2016

Le cabinet (feuilleton politique 7.3)


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Pierre-Karl avait passé la soirée entière à peaufiner son image dans le miroir de la salle de bains de la brasserie ministérielle.  Il n’avait pas vu le temps passer et il se demandait si ce n’était pas là un effet du dérapage érotique qu’il avait connu, un peu plus tôt, en compagnie de la femme de chambre du Château Frontenac.

(Rosita avait été très douce : elle avait bien perçu l’excitation de Pierre-Karl au moment où elle changeait les draps.  Lorsqu’il s’était approché d’elle, la queue pointant entre les pans de sa chemise, Pierre-Karl savait qu’il lui suffirait d’un rien pour éjaculer.  Julie était la seule femme capable de le contenir assez longtemps.  Son truc consistait à lui balancer à la figure toute une collection de freins imaginaires -- «ton père est plus intelligent que toi», «tu ne peux pas être à la fois chef de parti et président de compagnie», «Philippe Couillard est un très bel homme», «t’as du fromage autour du gland» --, ce qui ne manquait jamais de le refroidir le temps de déballer sa quéquette et de la fourrer dans les braises tournantes du sexe de Julie.  Mais autrement, l’entrevision, voire la simple suggestion de quelque éclat de nudité féminine pouvait le faire exploser dans son froc; s’il était nu, sa queue fouettait le vide dans tous les sens et le tapioca pouvait voleter dans les rideaux, goutter sur l’écran du portable, météoriser les orteils de sa partenaire, et il entrait alors dans un état de fureur enfantine qui le faisait trépigner, serrer les dents et se donner des coups de poing sur la tête.  Mais Rosita avait été très douce et son intelligence de la situation l’avait conduite à suspendre sur le champ ses opérations domestiques.  Elle s’était contentée de dire «viennes ici, lé bou messiou, viennes ici» puis elle s’était étendue sur le matelas en relevant sa chemise et en simulant une mort aussi tendre que son nom.  Son ventre clair et légèrement duveté sur la ligne du centre, son soutien-gorge couleur crème et son nombril dont la brève obscurité était coupée à l’horizontale par l’élastique de la jupe, tout cela composait une clef de feu qui s’insérait à merveille dans le cerveau de Pierre-Karl : il éjacula en postillonnant sur le ventre de Rosita, puis acheva son effondrement en suçant les aréoles à travers le tissu ébréché du soutien-gorge et en murmurant des insanités nietzschéennes du genre «quel dommage que tu ne travailles pas pour moi, je te congédierais, je te réembaucherais juste pour te congédier à nouveau, ma petite fée péruvienne, entdans, dewors, entdans, dewors, le veux-tu, veux-tu cela encore une fois oui le veux-tu une fucking infinité de fois?…», etc.)

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Dans la salle de bains de la brasserie ministérielle du boulevard Saint-Jean, Pierre-Karl n’avait donc pas vu le temps passer.  Il avait abandonné Julie au bar du Château, puis il s'était mis à errer dans les rues avant d'échouer dans la brasserie libérale où on lui avait tout de suite fait comprendre qu'il n'était pas le bienvenu.  Il avait donc passé la nuit à observer son reflet dans le miroir et à se demander s’il reverrait jamais Rosita – et le cas échéant, s’il pourrait, sans venir trop vite, dérouler sa langue sur les seins goudronnés de cette petite pierre des Andes et résoudre enfin le mystère des aréoles, cette énigme érotique que Pierre-Karl formulait dans sa tête de la manière suivante : commé lolitché le tétounne por qué bandolo y ramollo?
 
À un certain moment, il s’était enfermé dans les toilettes pour pisser et échapper plus étroitement aux rumeurs de l’orgie qui se déchaînait dans la salle d’à côté.  Le mur au-dessus de la bol avait été tagué :

How’s your vagina going today?

I got a dick (rivers) -- not a vagina idiot
(men’s room)
I have chlamydia

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Lorsque Pierre-Karl sortit de la salle de bain aux petites heures du matin, la brasserie ministérielle offrait un spectacle plutôt étrange : tout le monde se trouvait broché par le gland dans le cul de son voisin.  On avait manifestement abusé des capsules de Viagra que le comité organisateur du Parti libéral avait fait circuler entre les tables pendant la fête.  En proie à une érection fantastique dont ils ne pouvaient plus se défaire, les ministres et leurs alliés s’étaient enchaînés les uns aux autres par le derrière, et tout ce que la salle comptait de queues avait fini dans un cul quelconque.  Les convives formaient à présent un immense train dont la circularité était irréprochable, chaque wagon pouvant s’improviser locomotive selon les secousses données ou reçues, la clarté de la loi se nourrissant des dérèglements de la terreur, et l’appel d’offres se relevant à l’infini des cendres de la commission.

Couché sur le dos au milieu du cercle, Gaétan B. semblait comateux : assise à califourchon sur son immense bide, Mélanie, tout en pleurs, laissait couler de lents et longs et sirupeux glaviots dans la bouche grande ouverte de Gaétan.  De temps à autre, elle s’interrompait pour se mettre à hurler :

-  J’A VEUX LE CHÂTEAU FONTENAC, TU VAS ME DONNER LE CHÂTEAU FONTENAC, J’A VA METTRE TOUTES MES POUPÉES DANS TOUTES LES CHAMBES DU CHÂTEAU FONTENAC, BON !

La dernière chose que vit Pierre-Karl avant de sortir de la brasserie, ce fut Martin C. entouré d’une demi-douzaine de femelles libérales qui tiraient sur les dildos qu’on lui avait cloués partout sur le corps.  Lucienne R., complètement paquetée, avait empoigné à deux mains la bite de Martin C., et la tirait à elle de toutes ses forces :

- Ce dildo-là, y'est à moi pis à personne d’autre!  Tabarnak, y m’a coûté ben assez cher de même…


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