lundi 9 novembre 2015

Le cabinet (feuilleton politique, 1)



Ils étaient là, tous les quatre, dans le bureau de Justin.  Stéphane demeurait debout et se taisait: il avait abaissé son pantalon, mais il n’était pas allé plus loin.  En toute conscience, il ne pouvait pas aller plus loin.  Il avait donc conservé son slip, sa chemise, sa cravate et ses bas bleus.  Son pantalon formait un petit tas ridicule autour de ses chevilles.   Il rougissait de ses propres cuisses dénudées, épilées comme celles d’un athlète.

Justin retira son veston et le tendit à Jean qui était déguisé en crise d’octobre 70, avec un casque de militaire qui versait sur le côté gauche et une petite boite postale en plastique tout écrapoue qu’il triturait sans cesse entre ses doigts crochus.  Justin se tourna vers Stéphane.

- Si tu veux le ministère des Affaires étrangères, faut tu baisses les culottes.
- Ne me pousse pas à bout, Justin, ne me pousse pas à bout…

Jean agitait mollement sa boite postale pendant que Mélanie réajustait la bavette souillée qui lui pendouillait au cou.  À travers la fenêtre du bureau, on voyait voleter les cendres qui se détachaient des arbres enflammés de la colline parlementaire.

(Justin n’avait pas rappelé sa femme pour la prévenir de son retard.  Il n’avait pas cessé de penser aux boules de Mélanie.  Plus tôt cet après-midi, Mélanie s’était penchée pour rajuster ses bas nylons ou rattacher la courroie de ses talons aiguilles, il ne savait plus trop, mais elle s’était penchée – ça, il s’en souvenait --, et il avait vu ses boules sous la chute du chemisier, et à partir de ce moment-là, il n’avait plus cessé de penser aux boules de Mélanie, deux petites bêtes couleur caramel ficelées solide entre deux cornets de satin rouges, il n’en avait que pour les boules de Mélanie qu’il voulait mettre à nu une fois pour toutes, déballer assez rudement, juste avant de lui confier le ministère du Patrimoine ou celui de la Chasse et de la Pêche, il ne savait plus trop, mais elle s’était penchée, etc.)

Et à présent qu’elle était tout près de lui, complètement nue et le cul laqué par des coulures de sperme ancien, il lui venait des élans d’une cruauté infinie.

- Mélanie.
- Oui, toutou.
- Deux plus trois, ça fait combien?

Et Mélanie s’était remise à pleurer, mais ça ne durerait pas.  Il lui suffirait de glisser un doigt dans la fente de son cul pour qu’elle oublie tout et se remette à rire aux éclats.  Justin a toujours aimé les filles simples, et Mélanie était une fille qu’on ne pouvait simplifier davantage.  Il en avait eu la confirmation lors d’un souper bénéfice, alors qu’il l’avait bêtement comparée à un lutin de Noël, et qu’elle s’était esclaffée en postillonnant dans son potage aux betteraves.

Une si grande ambition politique contenue dans un si petit pioupiou, c’était quelque chose qu’il entendait respecter, vénérer même, dût-il lui râper les fesses avec du papier sablé.


- Mélanie.
- Tu m’as fait de la peine, t’es un méchant toutou, je te parle plus.
- Mélanie, mon amour, tu veux le ministère du Tourisme?
- Pas le tourisme.  Je veux le ministère de la Défense, bon.
- Whatever.  Alors écoute, pour ça, je voudrais que tu suces Stéphane.
- Ark.  Son pinisse pue.
- Mais…  Mais comment peux-tu dire ça?  Il a même pas encore enlevé ses bobettes!
- Son pinisse pue les vidanges, je le sens d’ici, bon.

Stéphane rougissait de plus en plus.  Et dès qu’il tentait de fixer son esprit, de se concentrer sur autre chose, il voyait l’ex-gouverneure générale du Québec débouler les escaliers du Parlement en chaise roulante, ce qui avait pour effet de le faire bander.


- Mélanie, petite amour, c’est à prendre ou à laisser : tu le suces ou rien du tout.

Mélanie tira la langue à l’intention de Justin, puis elle s’agenouilla de mauvaise grâce en face de Stéphane qui fixait les sapins embrasés à travers la fenêtre.  Sous le coup de la honte, il sentait ses aisselles se liquéfier.

- Je te préviens, Justin, ne me pousse pas à bout…


À suivre

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