mercredi 23 décembre 2015

Le cabinet (feuilleton politique, 7.2.1.3.0)


……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….

Sophie sécha une bonne partie de la soirée dans le hall du Château Frontenac, elle attendit en vain le retour de Justin et s’enivra assez brutalement au bar jusqu'au moment où elle nota la présence de deux femmes dont les lunettes fumées lui disaient quelque chose.

Attablées dans un coin peu éclairé du bar, les deux femmes ressemblaient à s'y méprendre à Sophie Durocher et Julie Snyder.  À ce point du récit, le récit lui-même ne peut rien confirmer, mais cela viendra bien assez vite.

Voyez plutôt.

Sophie Durocher et Julie Snyder, attablées dans un coin, n’avaient plus rien à se dire.  Elles s’étaient depuis longtemps confié l’une à l’autre, elles avaient épuisé le champ du dicible, elles étaient allées au bout de la parole et ne savaient plus trop comment en revenir, de sorte qu’elles avaient commencé à jouer du pied sous la table, d’abord assez timidement, puis de manière de plus en plus indécente, comme en témoignaient le désordre des escarpins et la faille croissante des bas nylons.  Les choses devaient s’arrêter là ou s’aggraver ailleurs, les deux femmes se trouvaient à la croisée des chemins, et la question était de savoir s’il fallait rebrousser en solo celui qu’elles venaient d’emprunter ou débroussailler à deux celui qui s’annonçait comme le plus chaud chemin de la plus étroite solitude.

Sophie (pas Durocher, l’autre) ne doutait plus qu’il s’agissait bel et bien de Sophie (pas Grégoire, l’autre) et de Julie.  Elle comprit que ces femmes remarquables -- que l’alcool et le ressentiment rendaient encore plus sales, plus belles et plus désirables – étaient sur le point de mettre un terme à leur cocuage politique et de basculer dans la communauté des langues qui coulent des culs et claquent entre les cuisses.

Sophie (à ne pas confondre avec l’autre) remarqua que le gros orteil de Sophie (à ne pas confondre avec la même) émergeait d’une brèche et s’immisçait dans la déchirure du bas nylon de Julie, tout juste à la jonction de la cuisse et du slip, et que ce gros orteil se contorsionnait de manière à élargir la maille et à se frayer un passage jusqu’à la noune noyée de Julie.

Sophie (on jase, là) cala le dernier shooter, l’abattit d’un coup sec sur le comptoir, traversa le bar, se planta à côté des deux femmes et dit :

- Mesdames, je me présente : Sophie G., la conjointe de chose.  J’ai réservé la suite la plus luxueuse de tout le Château.  Si vous voulez bien m’accompagner, c’est bar open pour toute la nuit.
- Hmmm, et j’imagine qu’on va se dire les vraies affaires, demanda Sophie (l’autre)?
- Mieux que ça, on va les brasser.
………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………(ascenseurs, rires, couloirs, chasse d’eau tirée dans le lointain, rot bruyant, rires encore, trousseau de clefs et ainsi de suite de selfie en selfie jusqu’à la suite 809)……………………………….......................................................................

…………………………………les poignets ficelés à la tête du lit de cerisier, Julie avait l’impression de mordre dans une étoile vivante : les pétales de la noune de Sophie D. lui coulaient jusque dans le nez et Julie battait si fort de la langue que s’il avait fallu, à cet instant précis, qu’on lui demande de prononcer le mot «anticonstitutionnellement», un auditeur dont l’oreille eut été rivée aux lèvres de Julie n’aurait sans doute perçu que le mot «fuck» répété au moins six fois de suite.  Plus vraisemblablement, l’oreille de cet auditeur aurait été léchée, mordue et avalée comme tout le reste.

Les mains posées à plat sur le mur, les genoux enfoncés dans le matelas, Sophie D. ramait de la chatte dans la face de Julie et offrait son petit cul osseux aux claques assourdissantes que Sophie G. lui administrait, bien qu’une fois sur deux, les coups de Sophie G. rataient la cible, et deux fois sur trois fendaient l’air de telle sorte que trois fois sur quatre, elle s’étalait de tout son long sur le tapis persan, ne se rappelant de qui elle était que zéro fois sur zéro.

Le clitoris de Julie était bandé à un point tel qu’elle aurait voulu qu’il explose, qu’il s’expulse du fond de ses roses crevées et perfore une toile du Titien – la fraise de ses seins pointait de même, toutes ses extrémités chauffaient à se fondre en un poème jurassique, sa peau prenait la folie de partout : à la fin, dans le chiasme achevé du corps et de l’esprit, elle caressait la pointe de ses seins entre ses cuisses et torturait le bouton de son clitoris au bout de ses seins.

En d’autres mots, elle ne pensait plus vraiment à la robe qu’elle allait porter au prochain Gala MetroStar.

Cette nuit-là, les trois femmes scellèrent une alliance en circuit fermé.  Sur leurs seins petits, moyens et très gros, l’alcool et le jus de sexe avaient brûlé, les vulves épineuses étaient passées, les langues avaient frétillé jusqu’à ce que l'aurore les inonde toutes trois d’une jouissance acide et sans pardon.

Dépourvu de toute fonction érotique, le bar payant ressemblait à un coffre-fort éventré.

........................................................................................................................................................................................................................................................................




dimanche 20 décembre 2015

Le cabinet (feuilleton politique, 7.2)


……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….

 Pouquoi le ssâteau Fontenac?  On a tout ce qu’y faut icitte!

Philippe tentait de convaincre Justin de renoncer au projet de la suite d’hôtel, mais il y mettait tant d’insistance que Justin avait l’impression qu’un interdit de nature esthétique frappait tout ce qui entourait le Château Frontenac, que son accès demeurait chose inconcevable, et que si d’aventure on y accédait, cela ne pouvait se faire qu’en empruntant des passages secrets et douloureux – ruelles enneigées, forêts noires, couloirs de diamants, anus sinistrés --  qui débouchaient, 999 fois sur 1000, dans le troisième tiroir de la commode du néant maternel.

Mélanie était maintenant assise sur les genoux du Père Naël, elle riait aux éclats en détaillant les cadeaux qu’elle désirait recevoir, et à chaque item mentionné, Gaétan B. répondait par la négative : trop cher, absurde, déraisonnable.  Mélanie riait de plus belle et récidivait en exigeant chaque fois des choses encore plus inaccessibles, mais lorsqu’elle demanda le Château Frontenac lui-même, Gaétan la repoussa rudement et marcha en direction du buffet.

- Kossé qu’y se passe icitte?

Escorté par deux jeunes duchesses édentées, Carlos L. venait de surgir des profondeurs de la piste; des câbles à booster plogués sur les tetons, la barbiche sévère et le crâne fumant, on voyait qu’il avait épuisé à peu près tous les orifices inflammables à proximité.  Inconsolable, Mélanie s’était réfugiée dans les bras de Harjit.

- C’est Zustin, dit Philippe C.  Y dit qu’y veut aller au ssâteau.
- Le ssâteau, c’est moé, glapit Carlos!
- Ze sais, ze sais, mais y veut ien entende…

(Carlos L. avait compris depuis longtemps que l’être était un postulat compact, une boule de billard parménidienne dont la sphéricité et la noirceur excluaient la négativité du désir.  La jouissance n’était possible qu’à la faveur d’une trouée ontologique d’une extrême violence.  Longtemps, petit Carlos s’était couché de bonne heure et avait bandé sur sa grande sœur.  Mais le désir ne passait pas : sa sœur était ronde, ses boules étaient rondes, ses fesses étaient rondes, les pétales de son wagin eux-mêmes étaient ronds, et ces rondeurs se mettaient mutuellement en abîme de telle sorte que la rondeur de toutes les rondeurs se contenait elle-même de la façon la plus hermétique, et petit Carlos en était réduit à brutaliser son pénis à distance de sa sœur qui s’en crissait bien et riait au miroir de se trouver si pétard.  Tout bascula le jour où le père de Carlos – repris de justice notoire et débosseleur de semblable en tous genres – écrasa son poing en pleine face de la sœur sous prétexte qu’en revenant du dépanneur elle n’avait pas rapporté la juste quantité de caisses de Molson.  Du jour au lendemain, cette sœur qui lui avait opposé jusque là sa densité ontologique, cette sœur imprenable, cette cataracte de courbes impénétrables céda en un point et accusa une fission héraclitéenne : il lui manquait deux dents en haut et deux dents en bas, le sang coulait abondamment du trou, le devenir s’innocentait et c’est donc par là que la bite de petit Carlos allait entrer, sortir aussi parfois, mais surtout entrer, pénétrer, s’enfoncer, puis jaculer, jouir et jaculer tandis qu’autour de lui l’être se refermerait sur son opacité originaire.  Mais l’être pouvait bien se clore toujours plus densément, resserrer sans cesse les anneaux de sa nuit de telle manière que rien ne puisse y entrer ou en sortir, le fait est que Carlos disposait désormais d’une Trouée, et c’est tout ce dont il avait besoin.  Dès lors, il suffirait d’un prélèvement de partiel ou d’une ablation de palettes frontales, et le jour éclaterait, la négativité se phénoménaliserait à même cette faille, et la détresse élocutoire trouverait un jour son équation économique, Carlos serait lui-même ce phallus qu’on enfonce dans la gueule de l’opposition, ce silence absolu qui ne se connaît qu’à travers la résistance des cris dont il se pare, etc.)

- Dis à Zustin qu'y laisse faire le ssâteau, murmura Carlos.  Dis-y qu’il amène sa gang dans le salon VIP de l’aute côté du sapin…

………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

Mélanie suce François B. qui frissonne comme un teton coincé dans un tire-lait électrique.

François B. souffle sur les couilles de Stéphane qui décapsule son cul prodigue dans la bouche de Harjit.

Harjit chie sur la barbe de Philippe pendant que Carlos jacule en jappant dans les poubelles remplies d’assiettes en carton et de restants de ragoût de pattes de cochon.

(Dans la tête de Stéphane, l’ex-gouverneure générale du Québec enfonce le pneu de sa chaise roulante dans la raie de Gaétan B.)

En réalité, Gaétan B. enfonce son doigt dans le pneu de sa propre bedaine.

Jean dit «que voulez-vous?»

Pierre-Karl P. observe le reflet de Pierre-Karl P. dans le miroir de la salle de bain.

Richard Martineau encule Jeff Fillion qui encule Éric Duhaime qui n’encule personne.

Quasithomas se crisse dans le sapin comme un chat se crisse dans un sapin.

(L’histoire ne dit pas ce qu’il advint de Sophie entre-temps, mais il est vraisemblable qu’elle ait attendu en vain que Justin la rejoigne dans une suite luxueuse du Château Frontenac.)


………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….  



vendredi 18 décembre 2015

Le cabinet (feuilleton politique, 7.1 Spécial de Naël)


Lorsque Justin fit irruption dans la brasserie ministérielle du boulevard Saint-Jean, Philippe C. se précipita à sa rencontre et lui donna une chaleureuse accolade.

- C’est cool tu sois venu!  Yo, t’as amené ta gang!  Téphane, Zean, Quasitom, Élanie!  Entez, entez!  La ville de Québec est fière de vous offir l’asile éotique, pis en plus, on est en plein party de buueau.  Entez, nnez vous-en!

Philippe était ivre et nu : une branche de sapin garnie de boules de Naël pétées lui ceignait la taille, et une boucle dorée avait été ficelée au bout de son gland.  Lorsqu’il aperçut Harjit, Philippe prit Justin à part.

- C’est qui, l’hindou?
- Harjit?  Un homme sûr et qui ne chie que là où il se doit.  Sois sans crainte, je réponds de lui.
- Ok, c’est zuste que…  le maire Bapoume est là…  pis Dzeff Fillion pis Issard Matineau…  Z’avais poutant dit à Lucienne : pas de aacistes à mon party de buueau, mais tsé comment c’est à Kebak…
- Je vois, je vois…  Mais ces gens que tu viens de me nommer, ne sont-ce pas des mangeux de marde?
- Quand même.
- Dans ce cas, je suis certain que Harjit saura se concilier leurs bonnes grâces.

À cette heure avancée de la nuit, les gens avaient déjà fini de manger depuis longtemps.  Les tables avaient été refoulées le long des murs, et le centre de la salle, infiniment dégagé, était un X + X + X = XXX de bois franc ouvert à tous les glissements de l’infamie la plus gaie.

Martin C.  gisait à quatre pattes, non loin du sapin de Naël : sur son corps nu, on avait fixé une multitudes de godemichés qui pointaient dans toutes les directions; des dildos de toutes dimensions et de toutes les couleurs s’élevaient de son cul, de son front, de ses épaules, de ses omoplates, etc.  Ses yeux fous et larmoyants s’extasiaient à vide sous le sapin, et ses cris de fouine piégée étaient étouffés par la boule chinoise qu’on lui avait enfoncée dans la bouche,

- Lol, tonnait Philippe, on a faite le tiraze pour la pute de Naël!  C’est tombé sur Maatin!  Enwoyez le igodon!  C’est le temps la ssaize musicale!

Sur un air de fête qui pouvait rappeler quelque succès de La Bottine Souriante, la piste fut aussitôt prise d’assaut par des hordes de vieillards croulants, nus, à moitié nus, aux trois quarts nus, qui se mirent à faire la ronde autour de Martin C. en avisant du coin de l’œil le dildo le plus susceptible de relever le défi de leur derrière en furie.  Dès l’arrêt de la musique, tous se précipitèrent, et Martin C. fut enseveli sous une lente avalanche de corps poudreux qui roulèrent les uns sur les autres, comme en un ralenti de négativité sans emploi.

(Martin C.  devait bientôt perdre connaissance.  Mais juste avant de sombrer, il eut la nostalgie la plus grande des heures où il se risquait dangereusement sur Internet, peaufinant son palmarès des ruts les plus effarants du règne animal, tirant un plaisir variable mais toujours épuisant de la question de savoir si, au final, l’accouplement du rhinocéros, qui avait toujours occupé la huitième place, ne devait pas le céder à la copulation éclair des mouches en plein vol, laquelle gagnait du galon dans la pyramide depuis mars 2013, bien qu’il éprouvât certains scrupules à lui faire passer le cap de la onzième place depuis qu’il avait été confronté à la violence onaniste que les fourmis rouges africaines peuvent déployer en période de récession spécifique, etc.)

Lucienne R., s’en tirait avec les grands honneurs de la chaise musicale : on estima que son cul à lui seul avait engouffré quatre dildos dans le carambolage.

Justin savait qu’il arrivait trop tard.  Il se pencha vers Mélanie.
- Mon amour.
- Oui, toutou.
- Va voir Philippe et demande-lui de nous réserver une suite à l’hôtel Frontenac.  Demain, nous aviserons…
- Mais j’a pas encore vu le Père Naël!  J’a veux voir le Père Naël, bon!
- Le Père Naël?

Mélanie lui pointa du doigt l’immense chaise sur laquelle on avait installé Gaétan B.  On lui avait foutu un bonnet et une barbe blanche, sans plus.  Sa bedaine dénudée ruisselait de ketchup maison.  Vacillants sur son genou gauche, Jeff Fillion et Richard Martineau se frenchaient à l’infini.

Seul dans son coin, sa bouteille de Molson à la main, Éric Duhaime regardait tout ça d’un œil vitreux et ne faisait absolument rien.

………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….



mercredi 16 décembre 2015

Poème d'amour, 2


Je t’ai vu
Claquer des dents en plein été
Coin de Chambly et Sainte-Catherine
Microjupe clouée sur ta maigreur
Et le vertige rouge de tes talons
Comme une prière inexaucée
Tu attendais attendais attendais
La fin du monde maintenant
Ou qu’un bon père de famille de banlieue
T’ouvre la porte de son auto de l’année
Pour un kit complet à vingt piasses
Pas de condom
Son sperme goûterait les chips au vinaigre
Et le nettoyant pour cuirette
Mais rien il ne venait rien encore
Tu te grattais les joues t’arrachais des sourcils
Te prenais soudain toi-même dans tes bras en pleurant
J’étais là de l’autre côté de la rue
Accroupi et faisant semblant de dessiner avec mon doigt
Sur la poussière du trottoir
Tu étais prête à tout mais pas encore à moi


Je savais qu’on t’avait défoncé l’étoile de l’anus
Jusqu’à en faire un trou noir grand comme le ciel
Je savais qu’on t’avait fisté à deux mains
En te bourrant la bouche de ton slip
Je savais qu’on t’avait pissé dessus
En riant
Tu étais soulagée que ce corps ne t’appartienne plus
Tu le jetais aux rats et aux chiens
En échange d’une glace à fumer
Moi je savais le nombre exact de tes cheveux
Et de ces poils pubiens que tu avais négligemment rasés
Ton corps m’était sacré comme celui de ma mère
Je te voyais déjà dégrafer ta peau
Et t’en dévêtir comme d’une robe


Un jour ta faim s’était ouverte
Comme une porte dans la nuit
Et ne s’était jamais refermée
Tu avais voulu croquer de la craie
Mâcher de la vitre
Lécher le sel sur les trottoirs de Montréal
T’injecter de l’amphétamine à soldats
Boire du phosphore de l’iode du lithium
Du sang de crocodile
Boucher enfin ce trou qui portait ton nom
Linda


Mais rien maintenant plus rien Linda
Ton père céleste savait depuis toujours
Que tu aurais besoin de toutes ces choses
Pour passer enfin de l’autre côté des hommes
Et vaincre ce monde
C’est fait maintenant et à jamais
Regarde-moi écrire ton nom dans la poussière
Le mien tu le connais
Te le prononçais tout doucement enfant dans ta robe d’organdi
Jésus
Dis-le Jésus
Et tout ce qui t’a été enlevé
Te reviendra

jeudi 10 décembre 2015

Le cabinet (feuilleton politique, 6)



Justin s’affolait.  La nouvelle de la venue de sa femme le précipitait dans un tel état de transe qu’il ne savait plus de quel côté retourner Mélanie, par quel orifice la pénétrer, à quelle petite splendeur inondée de pisse éjaculer.

- Quasithomas.
- Vvvvmm?
- Range ta queue, trouve un téléphone, appelle nos amis de Québec et dis-leur que nous leur demandons l’asile érotique.

Accroupi au centre de la pièce, Harjit s’épuisait à refaire et reparfaire le cercle de marde.  Il s’agissait à présent de nettoyer tout ça.  

(Des ordres, des ordres, des ordres, son père n’a jamais prévenu Justin que la politique s’épuisait le plus souvent à donner des ordres, fussent-ils performés sur le ton de la camaraderie complice la plus abjecte.  Or les seuls ordres que Justin avait réussi à communiquer sans ambiguïté depuis son accession au pouvoir se réduisaient à suce, crache, aweye, plus vite et avale.  Cela lui avait certes permis de remporter les élections, mais était-ce encore suffisant pour diriger un parti?  La question était pertinente d’un point de vue philosophique : à supposer, comme le croyait Marx, que la culture d’une société soit déterminée par son infrastructure économique, n’était-il pas évident que l’infrastructure elle-même demeurait clandestinement déterminée par la libidostructure?  À titre d’exemple, l’idéologie du libre échange était-elle autre chose que la sublimation économique d’une volonté de gangbang généralisé qui aurait pu se cristalliser jadis dans les plaines ancestrales de l’Afrique ou dans les neiges primitives de la Chine du Nord, voire dans une station-service de East Angus au tournant des années 60, etc.?)

La porte du bureau s’ouvrit avec fracas, et Sophie fit irruption dans la pièce.

- Ah c’est donc là que tu te cachais!
- Doudoune!
- Don’t Doudoune me!  Regarde!  Regarde un peu ce que j’ai trouvé dans les escaliers du Parlement!

Sophie tenait au creux de sa main une petite dégueulasserie toute rose qui se tortillait en couinant et qui évoquait un chiot nouveau-né s'initiant à l'auto-affection dans les ténèbres les plus complètes.

- C’est à qui, cet anus-là, han, c’est à qui?

D’instinct, tout le monde se couvrit les fesses des deux mains (sauf Jean dont le cul était demeuré par terre tout ce temps et qui enchaînait à vide les gnevoulezvous-gnevoulezvous).

- Tu te penses fin?

Sophie marcha en direction de Justin, et au moment où il crut qu’elle allait le frapper ou lui cracher à la figure, elle s’empara de Mélanie toute nue et, d’une main, la contraignit à ouvrir la bouche pendant que de l’autre, elle branlait Justin. Elle le branla jusqu’à ce que sa queue atteigne le seuil d'abrutissement désiré, puis, avec d'infinies précautions, elle enfonça la queue de Justin dans la bouche de Mélanie.

- Combien de fois je te l’ai dit : quand tu couches avec une secrétaire pis que tu y mets ton pinisse dans le cul, faut tu finisses avec la fellotion, que tu y enfonces toute la patente dans le gorgoton pis que tu swignes dedans, swigne-swigne-swigne, frotte-frotte-frotte, pour ton pinisse y soit tout propre à la sortie.

Toujours posté à la fenêtre, Stéphane observait les réfugiés syriens désormais refoulés par les troupes de Donald Dump qui avaient franchi la frontière canadienne plus tôt en après-midi : on les reconnaissait de loin à leurs drapeaux confédérés et aux légions d’enfants obèses qui roulaient massivement à bas de la colline parlementaire sans jamais parvenir à en atteindre le sommet.

- Mon amour, dit Justin, qu’est-ce que je deviendrais sans toi?
- Aweye, aweye, j’ai pas que ça à faire…

Timidement, Quasithomas contourna le trio de choc et murmura à l’oreille de Justin :

- Philippe Couillarrrrd dit c’est ok pourrr l’asile érrrrotique.  Ils zont tous au parrrrty de burrreau, on les rrrrejoint là-bas.
- Parfait, répondit Justin à voix basse tandis que les anneaux de la trachée de Mélanie se resserraient ignoblement autour de sa queue.  Fais chauffer les dildos, dis à Harjit qu’il a assez chié, appelle le chauffeur de la limousine, replace l’anus de Stéphane, ramasse Jean, que tout le monde soit prêt dans quinze minutes.  Psst!  Pas un mot à Sophie à propos de la carte-cadeau du 281 que je lui ai achetée pour Noël… 

   


mercredi 9 décembre 2015

Vaniérismes 13 (Haïkus de Naël)



Tout en larmes
Assise elle raconte
Sa perruche l'écoute

Hasuo


*


Visite du beau-frère --
le char jacké
dans le banc de neige

Yayû


*


Veille de Noël
Grand-maman s'étouffe
Amours de tourtières

Masaoka Shiki


*


Aux Promenades St-Bruno
mes pneus se sont usés
à chercher un parking

Matsuo Bashô









Le meme et l'autre 6






lundi 7 décembre 2015

Shooklak. Un conte de Naël


C'est le soir de Naël, et il est plus de onze heures.  Bien résolu à n'officier qu'une seule messe – celle de minuit – le Père Craig traverse l'allée centrale de l'église d'un pas vif, se poste devant le tabarnak puis tente de se souvenir de la combinaison.  32-8-22?  6-22-37?  Il ne s'en rappelle jamais.  Vieille rengaine: le gland qui pique et la mémoire qui flanche. 

Il se retourne.  Là-bas derrière, coulée dans l'ombre basse du jubé, Shooklak est agenouillée et ne semble guère lui prêter la moindre attention.  Elle est là, fidèle à elle-même, ratatinée comme une crevette, ses doigts noueux ficelés dans un chapelet de plastique que l'infirmière lui a refilé avant de partir.  La vieille égare toujours les chapelets qu'on lui donne.  Dieu seul sait ce qu'elle peut bien en faire.

Et puis l'église est vide.  Elle le restera.  Cette nuit de Naël ne fera pas exception à la règle.  Plus personne ne se risque ici désormais, à part Shooklak et les petits voleurs de tabarnak.  Le Père Craig s'est bien juré de leur mettre la main au collet.  Oui, un de ces jours...  En attendant, il a dû se contraindre à cimenter la base du tabarnak au socle de marbre, et pour éviter qu'on lui chipe le cibole et tout le paquet d'osties consacrées qu'il contient, il a même été contraint de se munir d'une énorme chaîne de construction qu’il passe et repasse autour des flancs cuivrés de la sainte caisse après chaque messe.  C'est-à-dire matin et soir.  La chaîne est fermement tendue, puis maintenue immobile grâce à un cadenas de marque De Walt dont la combinaison est connue de lui seul (lorsqu'il s'en souvient).

La première fois qu'il a enchaîné le tabarnak – aux grands maux les grands moyens, c'était le sixième qu'on lui dérobait en autant de mois – Shooklak s'était approchée.  Furieux, le Père Craig lui avait foutu deux ou trois mornifles, et la vieille était retournée s'asseoir en gémissant dans sa langue natale.  Depuis cet incident, elle ne se mêle plus de rien.  Elle égrène sa camelote, et c'est tant mieux.  Ce soir, plus que jamais, le Père Craig a besoin de toute sa concentration. 

37-8-22?  Non.  21-6-34?  Non plus.  Il faut se rendre à l'évidence: cette fois, la combinaison est perdue.  Et c'est l'angoisse.  Le Père Craig doit impérativement ouvrir le tabarnak afin d'y enfourner le nouveau paquet d'osties, consacrées ce matin même au cours d'une Eucharistie interminable, il s'en souvient, tant le gland lui piquait.

Il se retourne.  Shooklak fredonne à voix basse, tout au fond.  Son visage chatoie sous la lueur des lampes votives.  Le Père Craig soupire – elle n'y verra que du feu – puis disparaît dans les coulisses de la nef.  Il en émerge quelques minutes plus tard en brandissant une hache.  Il s’agenouille devant le tabarnak, se signe, se gratte la bite, se relève puis avise le puissant cadenas.  Il frappe.  Klunk!  Ke-klunk!

Au quatrième coup de hache, les gonds sautent, la porte choit et les osties se déversent par centaines sur le carrelage comme les jetons d'une machine vidéopoker.  Le cibole s'en va rouler un peu plus loin avant de s'immobiliser au pied d'un cierge pascal.  Exténué, le Père Craig contemple avec abrutissement les osties scintillantes qui jonchent le sol.  Dieu est partout.  Ça fait un joli paquet.  D'un geste las, il dépose la hache sur le banc, puis s'agenouille en grattant sa queue purulente.  Là-bas, plus loin que jamais, la vieille s'agite.

       Hiiiiii...
       Shooklak!  Du calme...
       Hiiiii...
       Tais-toi, vieille fatigante!  Les prières, ça se fait en silence...

Toutes ces osties  gâchées, souillées...  Pas de doute, c'est une profanation.  Il a violé le temple du Crisse.    Shooklak gémit encore un peu, puis se tait, cette fois pour de bon.




     S'il vous plaît, yo! 

Le Père Craig relève la tête.  Derrière l'autel, il aperçoit l'immense Zézu de plâtre à moitié décroché de la croix.  Le curé laisse échapper un cri dont l’écho se répercute entre les voûtes.  Zézu gigote: de sa main libre, il cherche désespérément à libérer son autre main, toujours clouée à l'immense croix qui domine le centre de la nef.

    Encore une chance qu'on m'ait rivé à cette planche par les mains  Imagine un peu si on l'avait fait dans les règles de l'art, à la galiléenne, tout juste sous les tendons du poignet, tsé...

Le Père Craig monte sur la tribune, s'approche de la croix, la tête en feu et la mâchoire pendante.  Zézu se débat toujours, les orteils grenouillant à quelques centimètres du sol.  Pivotant sur l'axe des hanches, il gratte de l'ongle la chair saignante qui se boursoufle autour du clou et qui maintient toujours sa paume droite rivée à la planche.  Prenant appui de ses pieds contre le mât du crucifix, Zézu agrippe le poignet de sa main droite, puis se met à tirer, renversant sa tête couronnée d'épines et tirant la langue comme une actrice de film porno.  La tête du clou finit par céder, un bruit assourdissant résonne par toute l’église, et Zézu s’affale de tout son long sur la tribune.  La croix est vide.  Le Père Craig vomit sur son aube blanche, puis se met à reculer.

      Excuse pour le bordel...  Si tu permets, je vais me débarrasser de ça...

Zézu s'empare de sa couronne d'épines et la lance comme un frisbee en direction du cierge pascal.  La couronne heurte la base métallique du cierge.

     Manqué....

Le Père Craig recule encore.  Il descend de la tribune et s'empare instinctivement de la hache qu'il a déposée sur le premier banc de l'allée centrale.

        Wo, wo...  Prends-le pas de même, je vais t’expliquer, tu vas voir, tout est cool, mais faut que je bouffe d'abord.  Que je boive, aussi.  Calvince, si tu savais comme j'ai soif...  Il te resterait pas un petit fond de vin de messe quelque part, hmm?

Le Père Craig empoigne le manche de la hache à deux mains, puis s'immobilise à côté du tabarnak défoncé, les osties crépitant sous ses semelles.

       Mon Dieu...
       C’est toi qui le dis...
   Je n'avais pas le choix, je vous en prie...  J'avais oublié la combinaison, je voulais seulement...
   Pas grave...  Easy, man, easy...  Mais si tu tiens absolument à ce que je t’inflige une pénitence, question d’apaiser ta conscience, réglons ça avec un petit quart de rouge.  Que je fasse descendre ce goût de sang séché au fond du gosier...  Done deal?
      Mais...  c'est que je n'ai plus de vin, moi, l’évêque m'a dispensé de... 

Zézu se gratte les côtes, puis se met aussitôt à hurler.  La plaie sur son flanc droit est toujours très vive.

      Sacrament, je l'oublie toujours, ce coin-là...  Tiens, c'est pas de l'eau bénite, ça?

Zézu avise les fonts baptismaux situés à gauche de la nef.  Il y court, puis plonge sa tête dedans.  Le Père Craig l'observe.  Il aperçoit les marques de fouet sur la courbe du dos blanc et osseux.

      Hiiiii!

Shooklak est debout sur le banc, le poignet enfoncé dans sa bouche, qu'elle mordille avec acharnement, les yeux fous. 

Jésus s'écarte des fonts baptismaux et marche en direction du Père Craig en essorant ses cheveux.

   Aaah ça fait du bien...  Tu peux lâcher la hache, tsé...  Tu me reconnais toujours pas?  C'est moi, Zézu.  Zééééézuuuuu...  Sans joke, tu t’attendais à quoi?

Zézu descend les marches de la tribune, rote légèrement, puis s’assoit en position indienne devant le tabernacle.  Il empoigne une fournée d'osties qu’il se met à croquer à toute vitesse.

       Ch'est pas mauvais, ch’est chuste un peu chec...

Le Père Craig vacille.  Zézu s'essuie la bouche du revers de sa main trouée et observe le prêtre d'un air fafouin.

    Ben quoi, mon pitou?  C'est Naël, non?  Ma fête, right?  Ça fait deux mille ans que je niaise sur les deux par quatre, le nez dans le dessous de bras...  Tu vas quand même pas m'en vouloir si je décroche un peu…  décroche dans le sens de…  T’a pognes-tu?... 




Zézu se relève et se met à déficeler les langes qui lui ceignent le bas-ventre.

–  Tu peux mettre ça au lavage?

Complètement nu à présent, il arpente l'allée centrale, les mains sur les hanches et le sexe ballant.

        Cool.  C'est ici que tu travailles?
        Je suis fou, je suis...
        C'est qui, la vieille, là-bas? 

D'un geste sec, il empoigne l'étole du Père Craig puis s'essuie le sexe et le cul avec.  Le curé bafouille.

        Vous n'êtes pas...  vous...
        Écoute, mon ami, je vais te confier un secret...

Jésus s'approche du curé et lui souffle au visage une haleine de pop corn pourri.

  T'es-tu déjà demandé comment trois personnes pouvaient s'unir en une seule?  Sais-tu seulement comment une telle chose est possible?
        ...
    Parce que moi, j’ai vécu tout ça de l'intérieur, de l'in-té-rieur, oui monsieur...  Le saint Three Pack pis tout le kit, je suis passé par là, je connais le truc...  Tu veux que je te dise comment ça marche?

Le prêtre étouffe un cri, pose la main sur sa bouche.  Il aperçoit, comme à travers un écran de brume, l'immense croix dénudée qui trône derrière l'autel.

   À la condition qu'il y en ait un qui bouffe les deux autres.  C'est pas plus compliqué que ça, c’est pas plus mystérieux que la finale du Petit chaperon rouge, tu me suis?

Le prêtre fronce les sourcils.  Zézu s’esclaffe et lui administre une petite tape sur l’épaule. 

   T’as raison, je suis pas très clair...  En vérité, en vérité, changez de côté, vous vous êtes trompés… Faut pas m’en vouloir, je prends ça trop personnel, c’est pour ça...  T’es sûr que t'as vraiment pas une petite pinte de rouge cachée quelque part?  Tsé, juste une burette, ça ferait la job.  Question de changer le goût...  Les clous, ça décrisse comme c’est pas possible...

Soudain, le Père Craig s'anime, comme s'il venait de se rappeler qu'un homme nu se tenait devant lui, dans sa propre église, et qui plus est sous les yeux de Shooklak qui sanglote, là-bas, dans l'ombre croissante de la nuit de Naël.

      Attendez, vous ne pouvez pas rester comme ça...  tenez...

Le curé se déshabille et lui tend son aube.  Il se tient tout nu dans l'allée centrale pendant que Jésus enfile le vêtement sacerdotal d'un geste large.

    Nice!  Eh ben, dis donc!  Ça me rappelle mon truc d'autrefois.  Pas mal,  très léger, très seyant.  Exactement ce que ça m’aurait pris sous le soleil de...  d'où déjà?

Jésus pivote sur lui-même, les bras en éventail.

     Dommage que t'aies renvoyé dessus.  Yo, qu'est-ce qu'elle a, ta bizoune?

Zézu pointe de l'index le phallus enflammé du Père Craig.  Le curé, pudiquement, se voile le sexe des deux mains.

     Man, montre encore un peu...

Le Père Craig s'exécute à contrecoeur.  Son gland pustuleux clignote comme une ampoule de sapin.

      Issshh...  J’ai pas d'aromates sur moi.  J'ai déjà attrapé une cochonnerie qui ressemblait pas mal à celle que t’as là...  Y avait cette fille qui venait avec le vent du désert, une belle pitoune avec une ostie de paire de boules, comment elle s'appelait déjà?...  Mazza?  Magda  Macarena?  En tout cas, elle m’avait refilé un onguent à base de figue...  Attends, laisse-moi checker...

Sans avertissement, Jésus lui empoigne les couilles, ferme les yeux, se concentre.  Le Père Craig se met à pleurer, tout doucement.

– Désolé, j’ai perdu la twist.  Dire que dans le temps je pouvais faire lever les      morts, et là je suis même plus capable de faire lever ta bite, lol…  Mais la mienne, peut-être, peut-être... 

Zézu se lèche les lèvres en fixant Shooklak qui se tient toujours debout sur le banc et qui persiste à se mordiller le poignet.

   Je vous en prie, bafouille le Père Craig, ne...   ne vous exprimez pas de la sorte...
   En vérité, en vérité, elle est encore bien roulée, la vieille crisse...  Tu me présentes?
    Je vous en prie...

Shooklak mugit de douleur dans l'ombre.  Hilare, Zézu s'approche du Père Craig et lui susurre à l'oreille:

–  Elle serait pas un peu crackpot, la madame?

Zézu contourne le Père Craig.  Il avance tranquillement dans l'allée centrale, l'air mutin et la queue toute gonflée.  Shooklak se met à hurler, puis décide de longer le banc en direction de l'allée latérale.  Zézu accélère le pas.

      Eeeh, doudoune, où tu t’en vas comme ça?

Jésus gagne l'allée latérale à son tour, la prend en chasse à toute vitesse.  Shooklak s'immisce à petits pas dans la rangée du fond, tente de rejoindre l'allée centrale en hurlant, puis au dernier moment décide de revenir sur ses pas.  Zézu lui barre la route en ricanant..

       T’énerves pas, ma belle, je veux juste te dire un petit mot...

Shooklak ne bouge plus.  Zézu s'approche, les bras tendus comme s'il s'apprêtait à étrangler la vieille.  Shooklak le cingle de son chapelet, tout juste au niveau des yeux.  Jésus s'effondre sur le siège en se voilant la face des deux mains.

       Ah, la vieille sacrament...

Le Père Craig est sur le point de défaillir.  Il sait ce qu'il lui reste à faire.  Il empoigne la hache.  Shooklak accourt dans sa direction.  Elle titube dans l'allée centrale, les mains levées au ciel.  Lorsqu'elle aperçoit le curé muni de la hache, elle tombe à genoux.  Zézu émerge, furieux, de la rangée du fond, puis s'élance.  Quelques foulées lui suffisent pour atteindre Shooklak dont il se met à botter les fesses.

   Je suis le Crisse, le Fils de Chose, cosubstantié au trou de cul en chef du ciel et de la terre, et en vérité, je te le dis, lève-toi, lève-toi et suce!

Zézu se penche, lui arrache la jupe, le jupon, tente d'agripper les bobettes d'un rose cendré.  La vieille se tord comme une truite.  Déséquilibré, Zézu met le pied sur un tas d’osties, glisse, percute de la tête un montant de siège, hurle, s'abat de nouveau sur Shooklak.  Entre-temps le Père Craig s'est approché: le voilà qui fait tournoyer la hache au-dessus de sa tête, avisant l'espace libre entre les omoplates de son Crisse, et au moment où il s'apprête à frapper, une voix très douce fuse de la tribune, tout juste derrière lui:

        Je vous en prie, n'en faites rien.  Zézu, relève-toi.

Un homme aux cheveux gominés, vêtu d'un tuxedo et d'une écharpe couleur crème, descend lentement les marches de la tribune.  Il porte à la main un verre de scotch dont il fait tinter les glaçons.  Son élégance mondaine contraste avec l'allure simiesque de l'homme qui se tient à ses côtés, plus massif, et dont le visage est fortement vérolé; sa tête basse et ses yeux de chien battu indique assez qu'il est aux ordres du premier type, et qu'il le craint.

      Tu sais que ta mère te cherche partout...
        Crisse-moi patience...

Zézu crache aux pieds des deux hommes.  Shooklak en profite pour se défiler et retraiter à quatre pattes en direction de l'entrée principale.

    Quel gâchis, dit l'homme élégant, regarde-toi un peu...  tst, tst...  C'est toi qui as fait ça?

Il pointe du doigt le tabernacle éventré et les hosties éparpillées tout autour.  Le Père Craig laisse retomber la hache au milieu de l'allée, puis s'avance, tremblant et nu, avant de se dissimuler à moitié derrière un banc.

        Mais...  mais bon Dieu QUI ÊTES-VOUS?

L'homme et son garde du corps échangent un bref regard, sourient tristement.

    Bon, fini de niaiser.  Zézu, ramasse tes cochonneries, ta couronne et tout le barda, on rentre à la maison...  Boudviarge nous attend.
      Naon!
      Quoi?  Qu’est-ce que t’as dit?  Ne m'oblige pas à...
     Tu me parles encore comme si j'avais fucking dix ans...  T'es rien qu'un vieux pet, tu me pourris la vie, je te déteste...

L'homme se tourne vers le molosse, lui fait signe de s'emparer de Zézu.  Le garde du corps s'approche, Zézu dissimule son visage sous son avant-bras, puis se met à crier.

   C'EST NAËL!  C’EST MA FÊTE, BON! J'AI LE DROIT! ET PUIS LA CROIX, JE SUIS JUSTE PUS CAPABLE!




Le molosse hésite, se retourne vers son maître.  Pour toute réponse, l'homme élégant pince les lèvres, puis hoche la tête en fermant les yeux.  Le garde du corps se jette sur Zézu, le plaque contre le sol et se met à le bûcher jusqu'à ce qu'il cesse de remuer.  Les cris de Shooklak fusent du fond de l'église.

        Ok, ça fera.

Les yeux mi-clos et la langue pendante comme une larve tronçonnée, Zézu ne bouge plus.  Le maître claque des doigts et se dirige vers la sortie latérale.  Le garde du corps hisse Zézu sur ses épaules avant d'emboîter le pas.  Le Père Craig se lève, hasarde quelques pas dans l'allée centrale.

–  Non, vous ne pouvez pas...  C'est de ma faute, il n'y est pour rien...

L'homme élégant s'arrête, dépose son verre vide sur le lutrin, puis sourit en examinant les angelots grassouillets qui ornent la coupole de l’église.

   Faut pas t’en faire avec ça...  Une histoire de famille, rien de plus...  À ta place, j'en profiterais pour passer un coup de balai: je dis pas ça pour être méchant ni rien, mais tsé, c'est quand même une véritable soue à cochons, ton église...  Allez, Joyeux Naël...


Ils sortent.  Le Père Craig contemple les piliers de la croix nue.  Là-bas, dans le noir absolu, Shooklak a repris sa place derrière le banc et mâchouille silencieusement son dentier à demi décroché.