jeudi 3 décembre 2015

Le cabinet (feuilleton politique, 5)


Stéphane s’était dégagé avec peine du corps brisé de Jean.  Privé d’anus, il se demandait comment il allait faire pour chier à présent.  À travers la fenêtre, il vit les réfugiés syriens qui montaient à l’assaut du Parlement en circulant par petits groupes à travers les arbres enflammés.  Cette vision lui redonna envie de chier et il en voulait à Justin de l’avoir réduit à cette extrémité purulente que le jour n’atteint pas.

L’odeur de marde lui monta au cerveau.  Harjit se déplaçait pas à pas en maintenant la position accroupie, et l’étron continu qui se détachait de son derrière aspirait à la circularité mauvaise des conseils d’administration.

(C’est une technique de fertilisation qu’il avait perfectionnée jadis dans les champs du Penjab.   Les huit frères de la famille étaient alignés, culs nus, aux abords du champ.  La règle était simple : nul n’avait le droit de faire un pas avant d’avoir libéré un étron de la grosseur d’une pomme.  Au crépuscule, celui qui s’était rendu le plus loin obtenait le privilège de passer la nuit en compagnie d’Indira, la vache familiale.  Étant le plus jeune, le petit Harjit ne pouvait rivaliser avec ses frères sur le plan de la force, mais il suscita bien vite leur jalousie compte tenu du volume de ses étrons et de la vitesse à laquelle il les relâchait dans les champs.  C’est pourquoi, trois fois sur quatre, il coiffait tout le monde au jeu de la fertilisation, et tandis que ses frères devaient le plus souvent se contenter des trayeuses mécaniques ou des cuisses de leur sœur bigleuse et bossue, Harjit, lui, abandonnait sa petite queue à la viscosité des lèvres ruminantes d’Indira.  Et l’amour grandissait dans le cœur du petit Harjit.  Il s’emballait et composait des poèmes qu’il déclamait fiévreusement dans le noir, la joue appuyée aux pis pustuleux d’Indira, et la vache le regardait, mais pas toujours, et la vache faisait meuuuh, mais jamais meuh-meuh, on ne pouvait rien imaginer de plus doux, et tout ce temps, Harjit conservait jalousement le secret de sa réussite : il avait compris qu’il n’y avait rien de tel que la consommation massive de poulet cru pour chier tant et plus.  Un matin que son père le surprit sur sa couchette avec des plumes étampées dans le front, il saisit le fouet familial. Harjit le défia en brandissant son petit poing velu.  Fou de colère, son père sortit le sabre et trancha la tête d’Indira.  La nuit suivante, Harjit quitta pour toujours la demeure familiale en emportant avec lui la tête de la vache.  Il la fourra longtemps dans les montagnes du nord du Penjab : l’empoignant aux oreilles, il l’enfilait, mais les douces lèvres ne ruminaient plus, les beuglements attendris ne se faisaient plus entendre.  À la fin, il n’y avait plus que des lambeaux bulbeux, et la queue de Harjit éjaculait faiblement à travers un essaim de mouches vrombissantes.  Il enterra ce qui restait de la tête d’Indira, poussa jusqu’à Calcutta, et au bout de quatre années de prostitution intensive, il prit le bateau pour le Canada, etc.)

Harjit achevait de compléter un cercle de marde parfait sur le sol lorsque Quasithomas fit de nouveau irruption dans le bureau.  En cours de route, il s’était emberlificoté dans les tronçons de sa bite, de sorte qu’il roulait sur lui-même, tête contre gland et pied contre cul, pareil à l’androgyne d’Aristophane.  Sitôt introduit dans la pièce, il pilonna le cercle de marde sur toute sa circonférence, puis rebondit à deux ou trois reprises avant de s’échouer tout près de la bibliothèque un peu à la manière d’un pneu crevé que le garagiste abandonne à son inertie rotative après l’avoir retiré d’une voiture montée sur un cric.

Les mains pleines de pisse, Justin retourna Mélanie sur le ventre et l’encula.

- Alors Quasithomas, tu as retrouvé l’anus de Stéphane, oui ou non?
- Vmmm, c’est votrrre épouzze qui l’a en za pozzzezzzion…
- Crisse, quoi, comment?
- Dézzzolé, j’ai ezzzayé de la zzzemée dans les coulizzzes, mais elle m’a zzzuivi et je crois qu’elle z’en vvvvient.
- Bon Dieu,  si elle nous voit dans cet état, elle est bien capable de me priver de Pop Tarts aux bleuets pendant deux semaines…


Absent à cette agitation, Stéphane demeurait posté à la fenêtre et s’abimait dans la vision de l’ex-gouverneure générale du Québec en train de se faire gangbangner, toutes broches dehors, par les réfugiés syriens qui affluaient dans les gazons de la colline parlementaire.  Perdu ou retrouvé, son anus était le cadet de ses soucis.  Après tout, il y avait tant d’autres façons de se faire chier…



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