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Sophie sécha une bonne partie de
la soirée dans le hall du Château Frontenac, elle attendit en vain le retour de
Justin et s’enivra assez brutalement au bar jusqu'au moment où elle nota la
présence de deux femmes dont les lunettes fumées lui disaient quelque chose.
Attablées dans un coin peu
éclairé du bar, les deux femmes ressemblaient à s'y méprendre à Sophie Durocher
et Julie Snyder. À ce point du récit, le
récit lui-même ne peut rien confirmer, mais cela viendra bien assez vite.
Voyez plutôt.
Sophie Durocher et Julie Snyder,
attablées dans un coin, n’avaient plus rien à se dire. Elles s’étaient depuis longtemps confié l’une
à l’autre, elles avaient épuisé le champ du dicible, elles étaient allées au
bout de la parole et ne savaient plus trop comment en revenir, de sorte
qu’elles avaient commencé à jouer du pied sous la table, d’abord assez timidement,
puis de manière de plus en plus indécente, comme en témoignaient le désordre des
escarpins et la faille croissante des bas nylons. Les choses devaient s’arrêter là ou
s’aggraver ailleurs, les deux femmes se trouvaient à la croisée des chemins, et
la question était de savoir s’il fallait rebrousser en solo celui qu’elles venaient
d’emprunter ou débroussailler à deux celui qui s’annonçait comme le plus chaud chemin de
la plus étroite solitude.
Sophie (pas Durocher, l’autre) ne
doutait plus qu’il s’agissait bel et bien de Sophie (pas Grégoire, l’autre) et
de Julie. Elle comprit que ces femmes
remarquables -- que l’alcool et le ressentiment rendaient encore plus sales,
plus belles et plus désirables – étaient sur le point de mettre un terme à leur
cocuage politique et de basculer dans la communauté des langues qui coulent des culs et claquent entre les cuisses.
Sophie (à ne pas confondre avec
l’autre) remarqua que le gros orteil de Sophie (à ne pas confondre avec la
même) émergeait d’une brèche et s’immisçait dans la déchirure du bas nylon de
Julie, tout juste à la jonction de la cuisse et du slip, et que ce gros orteil
se contorsionnait de manière à élargir la maille et à se frayer un passage
jusqu’à la noune noyée de Julie.
Sophie (on jase, là) cala le
dernier shooter, l’abattit d’un coup sec sur le comptoir, traversa le bar, se
planta à côté des deux femmes et dit :
- Mesdames, je me présente : Sophie G., la conjointe
de chose. J’ai réservé la suite la plus
luxueuse de tout le Château. Si vous
voulez bien m’accompagner, c’est bar open pour toute la nuit.
- Hmmm, et j’imagine qu’on va se dire les vraies
affaires, demanda Sophie (l’autre)?
- Mieux que ça, on va les brasser.
………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………(ascenseurs,
rires, couloirs, chasse d’eau tirée dans le lointain, rot bruyant, rires
encore, trousseau de clefs et ainsi de suite de selfie en selfie jusqu’à la
suite 809)……………………………….......................................................................
…………………………………les poignets ficelés
à la tête du lit de cerisier, Julie avait l’impression de mordre dans une étoile
vivante : les pétales de la noune de Sophie D. lui coulaient jusque dans
le nez et Julie battait si fort de la langue que s’il avait fallu, à cet
instant précis, qu’on lui demande de prononcer le mot «anticonstitutionnellement»,
un auditeur dont l’oreille eut été rivée aux lèvres de Julie n’aurait sans
doute perçu que le mot «fuck» répété au moins six fois de suite. Plus vraisemblablement, l’oreille de cet
auditeur aurait été léchée, mordue et avalée comme tout le reste.
Les mains posées à plat sur le
mur, les genoux enfoncés dans le matelas, Sophie D. ramait de la chatte dans la
face de Julie et offrait son petit cul osseux aux claques assourdissantes que Sophie G. lui administrait, bien qu’une fois sur deux, les coups de Sophie G. rataient
la cible, et deux fois sur trois fendaient l’air de telle sorte que trois fois
sur quatre, elle s’étalait de tout son long sur le tapis persan, ne se
rappelant de qui elle était que zéro fois sur zéro.
Le clitoris de Julie était bandé
à un point tel qu’elle aurait voulu qu’il explose, qu’il s’expulse du fond de
ses roses crevées et perfore une toile du Titien – la fraise de ses seins
pointait de même, toutes ses extrémités chauffaient à se fondre en un poème jurassique,
sa peau prenait la folie de partout : à la fin, dans le chiasme achevé du
corps et de l’esprit, elle caressait la pointe de ses seins entre ses cuisses
et torturait le bouton de son clitoris au bout de ses seins.
En d’autres mots, elle ne pensait
plus vraiment à la robe qu’elle allait porter au prochain Gala MetroStar.
Cette nuit-là, les trois femmes
scellèrent une alliance en circuit fermé.
Sur leurs seins petits, moyens et très gros, l’alcool et le jus de sexe
avaient brûlé, les vulves épineuses étaient passées, les langues avaient
frétillé jusqu’à ce que l'aurore les inonde toutes trois d’une jouissance acide
et sans pardon.
Dépourvu de toute fonction
érotique, le bar payant ressemblait à un coffre-fort éventré.
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